Simplification des relations citoyens—administration : principe de l’acceptation tacite, communications électroniques et autorisation de légiférer par ordonnances (loi)
S’inscrivant dans la démarche de simplification des normes et des procédures engagée par le Gouvernement en décembre 2012, cette loi autorise le Gouvernement à adopter par ordonnance un code des relations entre l’administration et le public.
Il s’agit de rassembler l’ensemble des règles de la procédure administrative, difficiles d’accès aujourd’hui, et de modifier certaines des règles actuelles, dans le sens de la simplification, de l’harmonisation et du renforcement des droits des citoyens.
Principe de l’acceptation tacite
L’article 1er prévoit notamment un changement majeur des règles administratives : « le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation ». Jusqu’à présent, le silence de l’administration valait rejet implicite; désormais, le principe s’inverse, par une modification des articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
La portée de ce principe est néanmoins réduite par une série d’exceptions, qui concernent notamment toutes les décisions non-individuelles, toutes les décisions ne s’inscrivant pas dans le cadre d’une procédure prévue par la loi ou le règlement, les demandes présentant le caractère d’un recours administratif ou d’une réclamation, les demandes présentant un caractère financier, les relations entre l’administration et ses propres agents, ainsi que les demandes incompatibles avec un certain nombre de considérations (engagements internationaux et européens, sécurité nationale, protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et sauvegarde de l’ordre public).
La liste des procédures pour lesquelles le silence vaut acceptation devra être publiée sur un site internet dépendant du premier ministre. La règle de l’acceptation tacite entrera en vigueur un an après la promulgation de la loi pour les décisions relevant de la compétence de l’État et de ses établissements publics, deux ans pour les collectivités territoriales, soit le 13 novembre 2015.
Exceptions au principe « silence vaut acceptation » (SVA) pour les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics
A compter du 13 novembre 2015, le principe « silence vaut acceptation » est applicable dans le cas général aux demandes adressées aux administrations, et notamment aux collectivités : l’absence de réponse pendant deux mois a la même valeur qu’une décision d’acceptation de la demande présentée. Il s’agit donc d’un changement radical dans les relations entre les collectivités et les usagers de leurs services puisque, jusqu’au 12 novembre 2015, le silence gardé sur une demande signifiait au contraire le rejet de celle-ci.
Toutefois la loi a prévu des exceptions assez nombreuses au principe « silence vaut acceptation ». Ces exceptions, listées dans plusieurs décrets datés du 10 novembre 2015, concernent principalement les situations suivantes :
– les décisions ne s’inscrivant pas dans le cadre d’une procédure prévue par la loi ou le règlement ;
-les demandes présentant le caractère d’un recours administratif ou d’une réclamation ;
-les demandes présentant un caractère financier ;
– les relations entre l’administration et ses propres agents ;
-les demandes incompatibles avec un certain nombre d’engagements ou de principes (engagements internationaux et européens, sécurité nationale, protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et sauvegarde de l’ordre public).
On trouvera ci-après les exceptions au principe « silence vaut acceptation » concernant les adhérents de la FNCCR dans le domaine de l’eau (un accord explicite de la collectivité reste donc nécessaire pour toutes les demandes énumérées ci-dessous – sauf demandes d’individualisation des abonnements) :
Distribution d’eau potable :
– Branchement au réseau d’eau – Article L2224-7-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) ; Article L332-15 du code de l’urbanisme (CU) ;
– Demande de vérification du bon fonctionnement du compteur – Articles L2224-12-4 et R2224-20-1 du CGCT
– Demande d’individualisation des abonnements (immeubles collectifs d’habitation) : attention !!! l’application du principe « silence vaut acceptation » conduit à une situation confuse pour cette procédure qui n’est pas mentionnée dans les décrets du 10 novembre 2015. C’est donc la règle générale qui s’applique, et l’absence de réponse vaut désormais acceptation du dossier présenté par le propriétaire de l’immeuble. Mais dans quel délai l’acceptation est-elle acquise pour le propriétaire de l’immeuble ? On peut penser qu’il s’agit du délai de quatre mois institué par l’article 3 du décret n°2003-408 du 28 avril 2003 pris en application de l’article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 et relatif à l’individualisation des contrats de fourniture d’eau (cet article indique que la collectivité dispose de quatre mois à compter de la date de réception de la demande complète du propriétaire pour instruire la demande d’individualisation au regard des prescriptions techniques). Mais ce n’est pas certain. Une autre interprétation est rendue possible par l’absence de dérogation au principe « silence vaut acceptation » dans le cas de la procédure de demande d’individualisation : le rejet de la demande pour un motif technique ou économique ne pourrait intervenir qu’au cours des deux premiers mois suivant le dépôt du dossier complet. Au-delà, la décision implicite d’acceptation ne pourrait plus être retirée qu’à la condition d’être illégale, et seulement dans un délai de quatre mois à compter de cette décision, comme l’indique l’ article L242-1 du code des relations entre le public et l’administration (il ne s’agit pas du même délai de quatre mois que celui de l’article 3 du décret du 28 avril 2003). Dans l’attente de précisions sur ce point, la prudence recommande de notifier le refus d’une demande d’individualisation dans un délai de deux mois, lorsque le service d’eau potable n’entend pas donner suite à cette demande. Le délai de quatre mois reste applicable pour préciser les conditions techniques imposées par la collectivité, lorsque la demande est acceptée.
ANC :
– Attestation de conformité du projet d’installation d’assainissement non collectif – Article L2224-8-III 1° du CGCT et Articles R431-16 (c) et R441-6 (b) du CU ;
– Autorisation de rejets d’eaux usées traitées vers le milieu hydraulique superficiel dans le cas où la collectivité territoriale ou l’un de ses établissements publics est propriétaire ou gestionnaire du milieu récepteur (pour les installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5) – Articles L2224-8-III et R2224-17 du CGCT ; Article 12 de l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;
– Autorisation de rejets d’eaux usées dans un puits d’infiltration incluse dans l’attestation de conformité d’un projet d’installation d’assainissement non collectif définie au 1° du III de l’article L2224-8 du code général des collectivités territoriales – Articles L2224-8-III et R2224-17 du CGCT ; Article 13 de l’arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;
– Rapport de contrôle des installations d’assainissement non collectif dans le cadre des ventes immobilières – Article L271-4-I (8°) du code de la construction et de l’habitation ; Article L2224-8-III (2°) du CGCT ; Article L1331-11-1 du CSP ;
Assainissement collectif :
– Prolongation du délai dans lequel doit être effectué le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte des eaux usées domestiques – Article L1331-1 du code de la santé publique (CSP)
– Branchement d’assainissement des immeubles construits postérieurement au réseau de collecte public – Article L1331-2 du CSP ;
– Exonération de l’obligation de raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte des eaux usées domestiques – Article L1331-1 du CSP ;
– Demande de raccordement des eaux assimilées aux rejets domestiques, au réseau public de collecte des eaux usées – Article L1331-7-1 du CSP ; Article R213-48-1 du code de l’environnement (CE), article R2224-11 du CGCT ;
– Autorisation de déversement d’eaux usées non domestiques dans un réseau public de collecte des eaux usées – Article L1331-10 du CSP : Cet article prévoit lui-même le rejet de la demande en cas de silence gardé par l’autorité compétente pendant trois mois. La disposition n’est pas modifiée par les nouveaux textes instituant le principe « silence vaut acceptation » car, en droit, s’applique le principe selon lequel la règle spécifique déroge à la règle générale, même postérieure. Ainsi la règle spécifique édictée par l’article L1331-10 du code de la santé publique est maintenue, même si la dérogation pour ce cas ne figure dans aucun des décrets du 10 novembre 2015.
Urbanisme :
– Certificat d’urbanisme prévu au b de l’article L410-1 du code de l’urbanisme (= certificat d’urbanisme dit « opérationnel »), délivré au nom de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale – Articles L410-1 et R*410-12 du CU
Gestion du domaine public :
– Autorisations d’occupation du domaine public (AOT) – Articles L2122-1, L2122-4 et L2122-20 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P);
– Autorisation de prise d’eau sur le domaine public fluvial – Articles L2124-8 à L2124-13 du CG3P ;
– Autorisation d’occupation du domaine public routier – Article L113-2 du code de la voirie routière ;
Autorisations environnementales :
– Demande d’autorisation d’un projet soumis à étude d’impact environnemental. Autorisation d’un projet entrant dans le champ de l’article L123-2 du code de l’environnement, assujetti à une étude d’impact, à un avis de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement et à une enquête publique – Articles L122-1, L122-3 et R122-14 du code de l’environnement.
Le site internet officiel legifrance.fr recense les procédures pour lesquelles le silence gardé par l’administration vaut accord, mais précise que ces listes n’ont pas de valeur juridique et sont publiées « aux fins d’information du public ». Une autre page énumère l’ensemble des décrets relatifs aux exceptions au principe de l’acceptation tacite.
Décrets n° 2015-1459 & n°2015-1461 du 10 novembre 2015 relatifs aux exceptions à l’application pour les actes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics du délai de deux mois de naissance de la décision implicite d’acceptation sur le fondement du II de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
Autres dispositions
En outre, l’article 2 de la loi vise à faciliter l’utilisation du numérique dans les rapports avec l’administration, en reconnaissant la même valeur aux échanges électroniques qu’aux modes de communication traditionnels. Le Gouvernement doit définir par ordonnance les modalités de ces nouvelles pratiques, qui affecteront tant les relations entre les citoyens et l’administration (utilisation de « courriers électroniques ayant valeur de lettre recommandée »), que l’organisation interne de certaines autorités administratives (possibilité de délibération à distance).
Le Gouvernement est également habilité à créer par ordonnance « un code relatif aux relations aux relations entre le public et les administrations », regroupant un ensemble de grands textes, parmi lesquelles la loi du 12 avril 2000 ainsi que l’ensemble du droit des procédures administratives non contentieuses régissant les relations entre le public et les administrations de l’État et des collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes chargés d’une mission de service public.
Il est enfin prévu de modifier la partie législative du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique par ordonnances.
Code des relations entre le public et l’administration
Les parties législative et réglementaire du nouveau Code des relations entre l’administration et le public ont été adoptées le 23 octobre 2015. Ce code rassemble des dispositions de nature générale et transversale applicables aux relations entre l’administration (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) et le public (personnes physiques et morales) : droit à la communication des documents administratifs (articles L340-1 et suivants), principe du silence vaut acceptation (articles L231-1 et suivants), motivation des décisions individuelles (articles L211-1 et suivants), mécanismes relatifs aux échanges de données entre administrations (articles L113-12 et suivants)…
Ce code, dont l’objectif est de rendre accessible au plus grand nombre le droit applicable aux relations entre le public et l’administration, entre en vigueur le 1er janvier 2016 (1er juin 2016 pour les dispositions relatives au retrait et à l’abrogation des actes administratifs). Il reprend des textes législatifs et réglementaires déjà existants et codifie également des règles d’origine jurisprudentielle.