Assurance : la modification d’un projet de construction qui ne change pas l’objet ou l’importance du risque ne peut valablement entraîner un refus de garantie
Dans un arrêt du 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat a admis qu’un changement d’un programme de travaux, intervenu avant la signature du contrat d’assurance et, sans en avoir informé l’assureur, ne fasse pas obstacle à l’indemnisation d’un sinistre.
Le Conseil d’Etat a considéré dans l’affaire que la « modification constituait une solution équivalente techniquement à celle initialement prévue et ne modifiait pas l’assiette et la consistance globale du projet de construction ». Dès lors, cette modification ne devait pas être considérée comme changeant l’objet du contrat ou comme influençant l’opinion de l’assureur quant au risque de survenue du sinistre.
Il ressort de cet arrêt l’importance de veiller à bien modifier la police d’assurance quand une modification peut être considérée comme changeant l’objet du risque sur lequel est bâti le contrat d’assurance ou modifiant l’appréciation du risque que pouvait en avoir l’assureur. En la matière les sociétés d’assurance sont souvent considérées comme les plus expertes pour juger des conséquences, sur un contrat d’assurance, d’une modification d’un projet de construction.
Responsabilité décennale et éléments dissociables : l’exigence de continuité du service public de distribution de l’eau potable comme destination d’un ouvrage
En principe, la présomption de responsabilité décennale ne s’étend qu’aux éléments indissociables d’un ouvrage (art 1792-2 code civil). Les éléments dissociables de l’ouvrage sont, quant à eux, couverts par la garantie de parfait achèvement d’un an et par la garantie de bon fonctionnement de deux ans.
Toutefois, la couverture par la garantie décennale d’éléments dissociables de l’ouvrage est admise lorsque leur dysfonctionnement rend dans son ensemble, un ouvrage impropre à sa destination (CE, 8 décembre 1999 Société Borg Warner, req. n° 138651).
Dans un arrêt en date 8 février 2018, La Cour administrative d’appel de Bordeaux a été amenée à se prononcer sur la responsabilité d’un fournisseur pour la défaillance d’équipements de secours d’une usine de traitement de l’eau. En l’espèce, le juge administratif a estimé que malgré le caractère dissociable de l’usine de traitement du groupe électrogène et l’absence de dommage causé à l’usine de traitement elle-même, qui a d’ailleurs continué à fonctionner, la défaillance du groupe électrogène de secours rendait l’usine dans son ensemble impropre à sa destination. Pour ce faire, la cour a pris en compte la nature de l’activité de l’usine et « les besoins impérieux d’approvisionnement en eau potable de la population qu’elle dessert » : autrement dit, l’exigence de continuité absolue du service public de distribution de l’eau potable (traduit par l’exigence d’alimentation électrique des équipements, sans discontinuité) impose que cette usine dispose d’équipements de secours garantissant qu’elle puisse poursuivre son activité même en cas de rupture d’alimentation en courant par le réseau public. À défaut, l’usine est impropre à sa destination, qui est d’assurer de manière continue le service public de distribution de l’eau potable.
La garantie décennale d’éléments dissociables de l’ouvrage est ainsi admise du fait de l’empêchement de la garantie de la continuité du service public de distribution de l’eau potable, rendant l’ouvrage impropre à destination.