Projet de décompte et paiement par la collectivité
Pour le Conseil d’Etat, le paiement par le maître d’ouvrage du montant figurant dans le « projet de décompte » présenté par le maître d’œuvre, sans présenter son propre décompte général et définitif, a deux conséquences :
– ce paiement vaut acceptation de ce décompte (et reconnaissance de la dette de la collectivité à l’égard de son cocontractant) : « si les stipulations de l’article 12 du CCAG-PI prévoient qu’une fois le projet de décompte transmis par le titulaire, le montant du décompte est arrêté par la personne responsable du marché, elles n’impliquent pas que la validation du projet soit formalisée par une décision explicite lorsque le maître d’ouvrage auquel le titulaire a transmis son projet de décompte ne le modifie pas et procède au versement des sommes correspondantes » ;
– il empêche l’indemnisation de fautes commises dans l’exécution du contrat : « il appartient au maître de l’ouvrage, lorsqu’il lui apparaît que la responsabilité de son cocontractant est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves ; qu’à défaut, le caractère définitif du décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel ».
Il est donc primordial que les collectivités maîtres d’ouvrage ne procèdent à aucun paiement du solde du contrat tel qu’il est présenté, par le titulaire, dans son projet de décomptes avant d’avoir acté le décompte général et définitif (en modifiant, le cas échéant, son montant).
Travaux supplémentaires et indemnisation du cocontractant
La cour administrative d’appel rappelle les conditions d’indemnisation du titulaire d’un marché public de travaux en raison de travaux supplémentaires effectués sur un chantier : « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ».
De manière plus originale, la cour retient que « sans qu’y fasse obstacle l’article 15.4 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché public de travaux en litige, qui prévoit que la réalisation de travaux excédant la masse initiale prévue doit donner lieu à l’émission d’un ordre de service, ni, le cas échéant, le caractère forfaitaire du marché, le cocontractant de l’administration peut demander à être indemnisé, sur la base du contrat, des travaux supplémentaires réalisés sur ordre de service, ainsi que de ceux qui ont été réalisés sans ordre de service mais qui étaient indispensables à l’exécution du contrat dans les règles de l’art, sans qu’il soit besoin de rechercher si ces travaux supplémentaires ont ou non, par leur importance, bouleversé l’économie du marché ».
En l’espèce, le titulaire du marché a réalisé sans ordre de service préalable, des travaux supplémentaires résultant d’une sous-estimation des volumes de remblais par le maître d’ouvrage lequel s’était appuyé sur une étude géotechnique insuffisante sans par ailleurs en reprendre explicitement les réserves dans le CCTP. Le groupement d’entreprises titulaire du marché n’a néanmoins pas droit à indemnisation, en raison de ses propres insuffisances (l’étude géotechnique était annexée au CCTP) et de la connaissance qu’il avait de la nature du sol, en raison de précédents chantiers dans le même secteur.