Le 7 février dernier, la Fédération vous a transmis une première synthèse des grandes orientations que contient le projet de Directive eau potable en cours de consultation jusqu’à fin mars. Vous pouvez consulter ces premières informations rassemblées par la FNCCR sur le lien suivant, la Commission européenne a par ailleurs publiée ce projet de nouvelle directive relative à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine et ses annexes.
Outre les informations communicables au public et à la commission, l’accès à l’eau pour tous et l’exploitation des services basée sur une approche du risque, de sa ressource aux points de consommation, ce texte modifie considérablement la conduite de l’exploitation des services au quotidien. Ce mail vient donc vous préciser les enjeux qui s’y greffent tant au regard des paramètres à rechercher dans les eaux, que leurs fréquences et les conséquences de non conformités.
En l’occurrence, les contrôles sanitaires sont durcis (augmentés très fortement en nombre), ne distinguent plus les effets sur la santé de court, moyen ou long terme, et toute non-conformité doit être immédiatement corrigée, annulant ainsi toute possibilité de dérogation (et obligeant en conséquence le service à investir dans un traitement à défaut de ressource de secours).
- Les paramètres sont désormais classés en deux catégories simples :
- les paramètres pourvus d’une limite de qualité (regroupant ainsi les éléments microbiologique au même niveau d’importance que les paramètres chimiques, sans en considérer les effets sanitaires de court, moyen ou long terme).
Ainsi un dépassement des valeurs limites fixées, doit être automatiquement considéré comme un danger potentiel pour la santé humaine.
- les paramètres indicateurs qui ont pour seul objet de figurer dans les informations destinées au public, leur valeur ne servant aucunement à qualifier un effet sur la santé.
- De nouveaux paramètres à intégrer dans les analyses de contrôle
Le mail du 7 février vous liste l’ensemble des éléments nouvellement introduits par le projet de directive, certains figuraient toutefois dans les règlementations françaises d’ores et déjà applicables.
Il est cependant important de souligner l’intégration, dans le suivi qualitatif des eaux, d’un paramètre microbiologique nouveau (coliphages somatiques) et des paramètres chimiques, voire des abaissements non négligeables des concentrations limites applicables au chrome (25 au lieu de 50 mg/l) et au plomb (5 mg/l au lieu de 10).
En outre, pour les eaux destinées à la consommation humaine issues d’eaux de surface ou d’eaux souterraines influencées par des eaux de surface, la limite de turbidité est abaissée à 0,3NTU (avec une tolérance à 0,5NTU au maximum sur 15 minutes consécutives) quand la valeur limite applicable aujourd’hui est de 1NTU (0,5 NTU en référence de qualité pour ce type de ressources). Les performances des unités de filtration de ces eaux peuvent donc s’avérer désormais insuffisantes.
Le tableau figurant en bas de mail vous rassemble les nouveaux éléments et leurs valeurs limites.
- Des contrôles analytiques que ne distinguent plus la routine des contrôles complets
Ainsi le projet de directive introduit deux types de contrôles, d’une part le suivi de l’ensemble des paramètres faisant l’objet d’une valeur limite sans distinguer de fréquence sur les éléments microbiologiques au regard des éléments chimiques (ainsi cela reviendrait à systématiquement effectuer des analyses de type Rp, (Rs +RSadd), (P1+P2) quelle que soit la taille de la ressource et à une fréquence plus élevée, ainsi que des analyses (D1+D2) aux points de consommation).
Le contenu des programmes RP, RS, P1, P2, D1 et D2 vont en outre évoluer au regard des paramètres nouveaux à intégrer voir 2)).
Les fréquences applicables sont fortement augmentées, passant d’un facteur de 100 pour certaines catégories d’unité de distribution d’eau potable, elles vous sont rassemblées dans le tableau suivant :
Taille de l’UDI en Volume produit ou distribué journalier (m3/j) | V<100 | 100<V<1 000 | 1 000<V<10 000 | 10 000<V<100 000 | V>100 000 |
Projet de Directive | 10 | 10 | 50 | 365 | 365 |
Directive actuellement en vigueur (paramètre microbiologique) | >0 | 4 | 4 +3 (par tranche de 1000m3/j) | ||
Directive actuellement en vigueur (paramètre chimique) | >0 | 1 | 1et 1 (par tranche de 4500m3/j) | 3 et 1 (par tranche de 10000m3/j) | 12 et 1 (par tranche de 25000m3/j) |
D’autre part, à ces contrôles s’ajoute le suivi opérationnel du service, permettant d’avoir un aperçu rapide des problèmes liés à sa performance. Ce contrôle n’est pas précisé sauf pour la turbidité dont le suivi est désormais obligatoire, journalier, quelle que soit la taille de l’UDI et selon les dispositions suivantes :
Taille de l’UDI en Volume produit ou distribué journalier (m3/j) | V<10000 | 10000<V |
Projet de Directive | quotidiennement | en ligne |
Ce suivi opérationnel résultera de la partie du plan de gestion de la sécurité sanitaire (évoqué dans le mail du 7/02) traitant du captage aux compteurs, laquelle doit identifier les points de vulnérabilité sur lesquels ce suivi opérationnel permettra de contrôler la qualité.
La commission justifie l’adoption de telles fréquences par le fait que l’élaboration du PGSSE, telle que décrite dans le mail FNCCR du 7 février, permettra aux services de limiter tant les fréquences que les paramètres à analyser si la vulnérabilité du service ne le justifie pas.
- Les enjeux financiers et juridiques
Considérant les non conformités aujourd’hui autorisées par les ARS sur le territoire national, pour lesquelles le Ministère en charge de la santé témoigne d’une position de la commission très hostile à ce principe (il sera donc difficile de faire évoluer le texte sur ce point), les conséquences de ce projet de directive sont non négligeables et vont conduire ces services, quand bien même la non-conformité porte sur un paramètre dont les effets sur la santé ne se mesurent qu’à très long terme (ou ne concerne qu’une problématique environnementale), à investir dans des traitements, en urgence, sans avoir le temps de conduire une étude technico économique rationnelle. Ces mêmes services devront en outre pallier à des restrictions ou interdictions de consommation tant que ces installations de traitement ne seront pas opérationnelles (trouvées, installées, éprouvées et mises en service….)
En outre, au regard du nombre de petites UDI sur lesquelles des non conformités sont régulièrement constatées, tant sur des paramètres microbiologiques que turbidité, le Ministère en charge de la santé a d’ores et déjà fait part de son inquiétude sur la mise en oeuvre de ces dispositions .
Enfin le projet de directive est orienté sur une plus grande transparence des données du service, tant vis-à-vis des abonnés desservis que de la commission augmentant ainsi très fortement les risques contentieux.
A noter par ailleurs que les investissements engagés sur des principes curatifs inhiberont toutes les actions préventives (notamment en travaillant à la protection de la ressource) que souhaite cependant développer cette directive.
- Les positions de la FNCCR d’une part et du Ministère en charge de la santé d’autre part
La FNCCR, avec le soutien du Ministère en charge de la santé, souhaite mobiliser des élus, tant des parlementaires que des élus européens, sur les enjeux de ce texte.
Par ailleurs les discussions sont d’ores et déjà engagées entre Ministères en charge de la santé des Etats membres, il serait intéressant de rapporter rapidement des premières ébauches financières des conséquences de ce texte sur le budget des services d’eau. C’est pourquoi je me permets de vous demander s’il vous serait possible de nous fournir quelques informations (rapides) sur les charges induites par les hypothèses suivantes (en mentionnant surtout dans vos retours la taille des UDI)
- investissement dans un traitement de non-conformités pour lesquelles vous disposez aujourd’hui d’une autorisation de déroger à une valeur limite d’un paramètre non conforme (notamment pour des paramètres dont les effets sont de moyen ou long terme : pesticides, nitrates ….)
- coût de l’instauration d’un suivi de la turbidité journalier dans toutes vos UDI
- surcoût induit par la mise en oeuvre systématique des programmes (P1+P2) et (D1+D2) et selon les fréquences proposées par la Directive
- surcoût d’un abaissement des valeurs limites du chrome et du plomb (dans la mesure où cela vous semble estimable)
Vous pouvez d’ores et déjà envoyer ces éléments à Déborah Smadja (d.smadja@fnccr.asso.fr), nous les analyserons et les transmettrons (de façon anonymisée) au Ministère en charge de la santé pour leur apporter des arguments, le plus rapidement possible.
La date du 12 mars mentionnée dans le mail du 7/02 et portant sur vos remarques est toujours d’actualité, cela permettra à la FNCCR d’une part de rapporter vos ressentis aux élus mobilisés(vous pouvez par ailleurs mobiliser vos propres élus) et d’autre part d’émettre une avis à la commission synthétisant vos retours.
Les nouveaux paramètres et leurs valeurs limites. :
Paramètre | Valeur limite | Commentaires | |
Microbiologie | |||
Coliphages somatiques | 0/100ml | indicateur de contamination fécale et virale, notamment en eau de surface | |
Turbidité | <1NTU | Pour des eaux de surfaces ou des eaux souterraines influencées par des eaux de surface 0,3 NTU 95% du temps , et 0,5 NTU sur maximum 15 minutes consécutives | |
Chimique | |||
b-oestradiol (50-28-2) | 0,001µg/l | ||
Bisphénol A | 0,01 µg/l | ||
Chlorate | 0,25 µg/l | ||
Chrome total | 25 µg/l | ||
Acide Haloacétique (AHA) | 80 µg/l | ||
Plomb | 5 µg/l | ||
Nonyphénol | 0,3 µg/l | ||
PFAS (Perfluorés) | 0,1 µg/l | ||
Total PFAS (Perfluorés) | 0,5 µg/l | ||
Uranium | 30 µg/l |