Seconde séquence des Assises de l’eau

La seconde séquence des assises de l’eau arrive sur sa fin et, dans l’attente du dernier comité de Pilotage durant lequel la ministre annoncera les orientations retenues, il nous est d’ores et déjà possible de vous transmettre et commenter quelques publications qui intéressent (ou impactent) fortement les collectivités engagées dans la gestion de l’eau, qu’il s’agisse du petit ou du grand cycle.
Cette seconde séquence des assises s’est organisée autour de quatre groupes de travail, étendus à cinq sur demande des associations de collectivités territoriales.

Chacun de ces groupes mobilisait toutes les parties prenantes (Etat, collectivités, activités économiques notamment l’hydroélectricité, le monde agricole, les associations de consommateur, de protection de l’environnement , les chambres consulaires…) et a abouti à des propositions concrètes si ce n’est précises quant aux évolutions ou engagements à attendre en vue de répondre aux enjeux à venir en matière d’eau, notamment face aux effets du changement climatique.
Les liens mentionnés au droit des titres des quatre premiers groupes de travail vous permettent d’accéder à l’ensemble des propositions résultant des GT, lesquelles ont également été présentées en Commission Grand cycle du 7 mai dernier.
Le groupe dédié à la gouvernance et au financement a fait l’objet d’un rapport spécifique de Jean Launay, traitant des enjeux transversaux – Gouvernance – Financement – Objectifs de développement durable.

Les services des Ministères de l’agriculture et de la transition écologique et solidaire ont ensuite dressé une synthèse de ces propositions et fixé des priorités (commentées en bas de mail), les conclusions des assises devraient résulter de ce dernier document.
A noter qu’avant la présentation de cette synthèse, les ministères ont publié l’Instruction du Gouvernement du relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau, laquelle abroge l’instruction du Gouvernement du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de l’eau des retenues de substitution et reprend les recommandations de la Cellule d’expertise relative à la gestion quantitative de l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse (Pierre-Etienne BISCH Préfet de région honoraire- dont le rapport a été présenté en Commission Grand cycle de l’eau du 19 décembre 2018). Les positions des ministères sur le sujet crucial qu’est la gestion quantitative de l’eau sont en conséquence d’ores et déjà publiées.

Les commentaires de la FNCCR
A l’issue des quatre groupes de travail, la FNCCR a résumé ses propositions et transmis ces dernières aux différents présidents des groupes (Monsieur Launay-Président du Comité national de l’eau, Monsieur Hervé Paul- Métropole de Nice, Madame Célia Blauel -Eau de Paris, Madame Florence Denier Pasquier -FNE, Monsieur Luc Servant APCA et Madame Pauline Teillac-Deschamps – UICN).
La FNCCR s’est attachée à protéger la libre administration/organisation des collectivités à divers points de vue (ne sont présentées ici que les mesures principales)

  • Ne proposer aucun schéma de gouvernance préconçu et reproductible sur l’ensemble du territoire, l’objectif est au contraire d’aboutir à une organisation locale adaptée au contexte
  • Offrir la connaissance nécessaire à l’anticipation des effets du changement climatique sur le territoire en intégrant toutes ses composantes (développement économique, urbanisation, démographie, emploi…et environnement)
  • Permettre aux collectivités de peser dans la gouvernance de l’eau et ce à différents niveaux : en tant que service d’eau potable, acteur économique à part entière, et en tant que porteur de l’intérêt général du territoire (notamment vis-à-vis de la préservation des ressources) au sein des CLE par un renforcement de la légitimité des élus siégeant en ces instances stratégiques
  • Sécuriser les actions de protection de la ressource dans le cadre de la compétence eau potable, sans les rendre obligatoires ; approfondir et assujettir la notion de paiement pour service environnemental à un objectif de résultat mesurable et incitatif
  • Acter l’action des collectivités en faveur de la gestion quantitative de la ressource, notamment dans le cadre de la compétence eau potable tout en évitant toute dérivation des recettes affectées à ce SPIC
  • Faciliter la mise en œuvre de telles actions en adaptant les règles de la commande publique à une valorisation des circuits courts et la gestion intégrée
  • Obtenir des acteurs (économiques, société civile..) du territoire des engagements quant à leur gestion économe de la ressource
  • Etudier l’adaptation du territoire selon des scénario de rupture, notamment dans le domaine agricole
  • Elaborer des projets de territoire pour la gestion de l’eau conjuguant à parts égales, actions de gestion qualitative et quantitative
  • Obtenir de l’Etat des actions à la source via une meilleure maîtrise des autorisations de mise sur le marché et des émissions polluantes des produits de consommation courante
  • Garantir des recettes à hauteur des enjeux en augmentant l’assiette des redevances pour pollution diffuse, en adoptant une taxation de l’imperméabilisation des sols voire en reconnaissant l’effet polluant des produits de consommation courante mis sur le marché en affectant une redevance dédiée à leurs fabricants (ou importateurs)
  • Concilier aménagement du territoire, SAGE, solutions fondées sur la nature et veille foncière, dans une perspective de maîtrise et de sauvegarde de la ressource et la gestion de l’eau
  • ….

Il ressort cependant tant de l’instruction relative aux projets de territoire pour la gestion de l’eau que du rapport de Jean Launay, que les orientations qui pourraient découler des assises nécessitent une certaine vigilance des collectivités :

  • L’instruction du gouvernement relative au projet de territoire pour la gestion de l’eau se base sur une approche concertée au cœur de laquelle se trouve le préfet de bassin (ou un préfet référent) garant de la pluralité des acteurs mobilisés autour du projet et responsable du diagnostic initial de territoire. Il veille à la mise en œuvre du PTGE et au respect des règles de répartition des prélèvements par des contrôles.
    L’horizon temporel pour définir le PTGE est de 2 à 3 ans [ce qui est particulièrement court lorsque le territoire ne dispose pas des connaissances et du recul nécessaire à l’anticipation des effets du changement climatique sur l’hydrologie et l’hydrogéologie locales], durant lesquels sont effectués le diagnostic du territoire et les prospectives de gestion économe de l’eau ; les enjeux sont doubles : associer une gouvernance représentative puis identifier un porteur de projet et les financements possibles [le PTGE est indirectement lié à des investissements, approuvant implicitement son orientation vers des retenues de substitution dès lors que des études économiques, si elles aboutissent, en justifient la pertinence]. L’évaluation du PTGE est recommandée à échéance de 6 à 12 ans [or à cette échéance, les investissements réalisés ne seront pas amortis, mais pourraient se voir remis en cause !].
    L’approche économique du PTGE reprend les recommandations du guide IRSTEA (présenté en commission grand cycle du 7 mai 2019), dans lequel l’arbitrage des solutions repose sur la notion d’intérêt général [or l’instruction ne précise à aucun moment qui, entre l’Etat ou les collectivités, dispose de cette légitimité] et le montage économique des retenues s’appuie sur le principe service rendu [lequel en cas de carence d’eau conduira à l’impossibilité d’amortir les investissements engagés]
    Enfin d’autres points de vigilance s’imposent :

    • 1) si l’instruction reprend hypothèse de conjuguer les enjeux de qualité et quantité d’eau, une distorsion nette apparait entre les solutions réelles, de court terme attendues en matière de gestion quantitative et l’amorce très prudente du volet qualitatif sans ambition et objectif clairs.
    • 2) les volumes prélevables en substitution ou transférables seront fixés lors du diagnostic, ils appellent deux points de vigilance : la substitution ne peut conduire à la seule mise en conformité des prélèvements aux dispositions réglementaires d’ores et déjà en vigueur, le diagnostic doit permettre une étude des impacts des volumes de substitution, à une échelle supérieure, dans le temps que dans l’espace au regard de leurs effets cumulés.
    • 3) les PTGE sont soumis à avis conforme des CLE concernées, l’assise réglementaire de cette disposition est particulièrement discutable, la disposition souligne cependant l’intérêt d’engager une concertation étroite avec les élus membres des CLE en vue de les informer du contexte et des enjeux (tant au regard de l’intérêt général qu’au regard de la priorisation de l‘accès à l’eau potable). A noter que les retenues collinaires relèvent de la rubrique IOTA relative aux plans d’eau, le ministère envisage de compléter cette rubrique d’un arrêté de prescriptions générales fixant des seuils de modification en deçà desquels l’augmentation du volume de la retenue ne sera considérée que comme une modification notable de l’autorisation préfectorale, laquelle pourrait être décidée par le préfet sans consultation des CLE.

 

  • Le rapport de Jean Launay sur les enjeux transversaux gouvernance, financement, objectifs de développement durable : si la FNCCR s’est attachée à proposer des orientations conciliables avec le contexte de chaque territoire, sans fixer de gouvernance « type », le rapport se fonde au contraire, sur la reconnaissance à l’échelle nationale et au droit de chaque bassin, d’entités dédiées à la gestion de l’eau dotées de trois missions principales : assurer le lien entre Etat, SDAGE et l’action territoriale, drainer les financements, concilier les conflits.. L’approche est descendante et prescriptive (le rapport utilise des termes comme « imposer », « de façon impérative »), conçue sur la base d’une maîtrise d’ouvrage concentrée sur les EPAGE et d’une expertise confiée aux EPTB, au détriment des régions. Le rapport flèche par ailleurs ces deux structures comme légitimes à drainer les financements des agences de l’eau consacrés au grand cycle.
    Au-delà de ce schéma de gouvernance, l’action se veut autoritaire vis-à-vis de tout type d’acteur, de l’individu à la politique publique d’aménagement, l’eau devient un sujet de contrainte, la gouvernance doit cependant organiser les solidarités et les rendre acceptables par tous… en promouvant notamment un rapprochement avec la population.
    Sur le volet financier le rapport rappelle les principes de l’eau paie l’eau et souligne que les interactions gestion de l’eau / activités humaines devraient se décliner par des financements en reflet de ces interdépendances.
    Le plafond mordant est en conséquence dénoncé, le rapport préconise d’exclure du dispositif de plafonnement des dépenses des collectivités celles liées à l’eau, étendre le dispositif des « aqua-prêts » au grand cycle, dégager des solutions organisationnelles nécessaires à une meilleure mobilisation des fonds européens (notamment en se dotant de structures capables de monter de tels dossiers) et introduire une taxe aux activités dégradant la ressource dont la recette serait affectée à sa protection (par exemple une redevance imperméabilisation et une redevance azote minéral). Le financement de la biodiversité « sèche » doit en outre trouver une solution.

Les priorités d’ores et déjà affichées par les services des ministères augurent de probables décisions en faveur de la promotion des eaux non conventionnelles, la politique captage tant via les PSE que la création d’une compétence protection de la ressource (quel lien avec l’eau potable ?), d’une tarification incitative aux économies d’eau, de règles de la construction plus adaptées à ces économies, la promotion des restaurations de cours d’eau et milieux humides, une meilleure connaissance des prélèvements et articulation des autorisations IOTA (prélèvements, hydroélectricité..). Les seuls éléments financiers retenus, dans les éléments de synthèse, portent sur une révision de la redevance pollution domestique (au détriment de toutes les propositions qui ne visaient aucunement cette cible….).

Dés les conclusions de ces assises, un commentaires des décisions vous sera proposé, ce premier bilan permet cependant d’en tempérer les attentes. La FNCCR attend cependant à minima une sécurisation des actions (qualitative et quantitative) en faveur de la ressource des collectivités en charge du service d’eau.

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