Modifications du Fonds de prévention des risques naturels majeurs

La loi de finances n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (publiée au JORF du 30 décembre 2020) entérine la budgétisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « Fonds Barnier » depuis le 1er janvier, toilette les articles du Code de l’environnement qui l’encadrent et procède à une mise à jour des opérations qu’il permet de financer, afin de tenir compte notamment des obligations de remise en état des sols.

 

  1. Rattachement du Fonds Barnier au budget de l’Etat (Article 85)

Depuis le 1er janvier 2021, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs est rattaché à l’action 14 du budget 181 de l’Etat, consacré à la « prévention des risques ». Cette mesure, préconisée par le gouvernement à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques pour l’année 2021, fait écho aux préconisations formulées par la Cour des comptes dans le référé n° 2016-3768 du 5 décembre 2016.

Le Fonds continuera d’être alimenté par un prélèvement annuel de 12% du produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, qui sont reversés par les compagnies d’assurance (Article 235 Ter ZE du Code général des impôts).

La budgétisation du Fonds Barnier a plusieurs conséquences. Tout d’abord, le Parlement a dorénavant la possibilité de se prononcer sur l’utilisation des dépenses consacrées au Fonds Barnier et non plus seulement sur son montant.

Le Ministère de l’action et des comptes publics a publiquement rappelé que, comme c’était le cas par le passé, « les crédits de l’action 10 du programme 181 continueront à être mobilisés sur la connaissance, la surveillance, l’information du public et la sécurité des ouvrages hydrauliques. Les financements au titre cette action sont dédiés à l’action des services de l’État (fonctionnement et investissement), de ses opérateurs dans le domaine des risques naturels mais apportent aussi des subventions à des associations ou à des collectivités pour relayer, appuyer et soutenir ces actions » (QE n°24340, JO AN du 8 septembre 2019, p.6129).

Dans les faits, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs garde donc, en dépit de sa budgétisation, son appellation et ses lignes directrices. Reste à mesurer les effets de cette intégration du Fonds Barnier au budget de l’Etat, qui le place entièrement sous le contrôle du Ministère des comptes et de l’action publique. A ce titre, la perte du caractère extrabudgétaire du Fonds Barnier légitime la crainte que les moyens annuels consacrés au fonds deviennent, à termes, vulnérables aux arbitrages entre les ministères.

 

  1. Augmentation du plafond du Fonds Barnier (Article 85)

La contrepartie de cette budgétisation a été de supprimer le plafonnement du Fonds Barnier assigné par la loi de finances pour 2018. A ce titre, le Fonds Barnier s’élève, pour cette année, à 205 millions d’euros (ce qui correspond au produit effectif des prélèvements sur les surprimes « catastrophes naturelles » des contrats d’assurance d’habitation et d’automobiles).

Par ailleurs, il a été annoncé que, jusqu’en 2022, les crédits non consommés seront reportés à l’année N+1. Par contraste, depuis la loi de finances pour 2018, les ressources allouées au Fonds étaient plafonnées à 131,5 millions d’euros par an malgré le fait que les dépenses annuelles étaient supérieures à ce montant (à titre d’illustration, elles ont été de 202,5 millions d’euros en 2019 dont 57% ont été consacrés au risque d’inondation), les 71 millions d’euros restant étant reversé au budget de l’Etat.

Remarquons que le taux maximal des interventions prévues par le Fonds Barnier sera fixé par décret (VI, L.561-3 du Code de l’environnement).

A noter enfin que le Ministère de la transition écologique anticipe également une augmentation de ces dépenses (déjà constante durant la précédente décennie) dans le contexte du changement climatique et de la mise en œuvre de la GEMAPI (dorénavant que la gouvernance de la plupart des territoires est stabilisée). Les collectivités seraient donc en droit d’attendre une augmentation du plafond du Fonds Barnier dans les années à venir.

 

  1. Extension du champ d’application du Fonds Barnier aux départements et régions d’outre-mer (Article 224)

Il est dorénavant clairement précisé que le Fonds Barnier est utilisable dans les départements et régions d’outre-mer (V, L.561-3 du Code de l’environnement).

 

  1. Simplification et mise à jour des modalités de recours au Fonds Barnier (Article 224)

Les dispositions relatives aux opérations finançables par le Fonds Barnier ont été actualisées.

Un des postes de financement les plus importants du Fonds Barnier concerne, pour mémoire, les mesures d’acquisitions aux biens exposés à un risque naturel. A ce propos, le Fonds Barnier continuera de financer « les indemnités allouées en vertu des dispositions de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement ainsi que les dépenses liées à la limitation de l’accès » des terrains sinistrés. Du fait des évolutions récentes du droit de l’environnement, le Fonds Barnier peut dorénavant financer, outre celles liées à la limitation de leur accès, les dépenses liées à « la remise en état des terrains accueillant les biens exposés, le cas échéant en s’appuyant sur un établissement public foncier, afin de les confier après remise en état aux collectivités compétentes en matière d’urbanisme ». Cette modification acte un changement de paradigme car, auparavant, il était question de financer les dépenses liées à la limitation de l’accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d’en empêcher toute occupation future.

Sous réserve que le bien en question soit couvert par un contrat d’assurance (comme c’était le cas auparavant), il demeure possible de financer l’acquisition « d’un bien exposé à un risque prévisible de mouvements de terrain ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide, de submersion marine menaçant gravement des vies humaines, sous réserve que le prix de l’acquisition amiable s’avère moins coûteux que les moyens de sauvegarde et de protection des populations ». Il demeure également possible d’acquérir un « bien sinistré à plus de la moitié de sa valeur et indemnisé en application de l’article L. 125-2 du [Code des assurances] ». Le Fonds Barnier continue également de « financer les dépenses de relogement des personnes exposées ». Il est dorénavant fait référence aux biens dans leur ensemble, qu’ils soient destinés à des usages d’habitation ou dans le cadre d’activités professionnelles, la limite des « vingt salariés » ayant par ailleurs disparu.

Notons également qu’une « autorité administrative ayant ordonné la démolition de locaux à usage d’habitation édifiés sans droit ni titre dans une zone exposée à un risque naturel prévisible menaçant gravement des vies humaines » peut solliciter le Fonds Barnier afin d’alimenter l’aide financière « visant à compenser la perte de domicile aux occupants de bonne foi à l’origine de l’édification de ces locaux », sous réserve qu’ils répondent aux conditions d’éligibilité fixées à l’article 6, loi n°2020-725 du 23 juin 2011.

Dans chacun des cas précédemment mentionnés, « aucune nouvelle construction de nature à engendrer une mise en danger de la vie humaine ne peut être opérée sur les terrains concernés » (I, L.561-3 du Code de l’environnement).

Un autre poste de dépenses historique du Fonds Barnier concerne les dépenses afférentes à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI). La loi indique désormais que « le financement des études et actions de prévention des risques naturels majeurs dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d’ouvrage dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou prescrit en application de l’article L. 562-1 [du Code de l’environnement] ». Le financement des études et des travaux de prévention était déjà possible. Cela étant, le choix d’utiliser le terme « actions » permet d’élargir le champ d’application du fonds.

Il convient de mettre en évidence une importante modification. Il est dorénavant possible que « les études et actions réalisées sur le territoire de communes qui ne sont pas couvertes par un tel plan mais qui bénéficient à des communes couvertes par ce type de plan » (II, L.561-3 du Code de l’environnement).

Le fonds continue de contribuer « à la prise en charge des études et travaux de prévention rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé en application du 4° du II de l’article L. 562-1 du présent code » (III, L.561-3 du Code de l’environnement). Encore une fois, les biens concernés ne sont plus limités à ceux à usage d’habitations et aux biens utilisés dans le cadre d’activités professionnelles concernant moins de vingt salariés.

Le fonds continuera de « contribuer à la prise en charge des études de diagnostic de vulnérabilité dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales et des travaux identifiés par l’étude, dans les programmes d’actions de prévention contre les inondations […], sur des biens couverts par un contrat d’assurance mentionné au premier alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances ».

Le fonds « prend en charge les études menées pour le compte de l’Etat pour l’évaluation des risques naturels et les mesures de prévention à mener pour prévenir ces risques ainsi que l’élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles » (IV, L.561-3 du Code de l’environnement).

Il peut également « prendre en charge les actions d’information préventive sur les risques majeurs » (IV, L.561-3 du Code de l’environnement). Auparavant, il était uniquement fait mention des « campagnes d’information » et notamment celles incombant aux maires des communes couvertes par un PPRI.

Par ailleurs, le fonds peut désormais « contribuer au financement des études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines, ainsi que des digues dont la gestion a été transférée de l’Etat à une collectivité territoriale après le 1er janvier 2018 » (IV, L.561-3 du Code de l’environnement).

 

  1. Dispositif expérimental «mieux reconstruire après inondation » (Article 224)

Enfin, le fonds Barnier pourra également financer un dispositif expérimental dénommé « mieux reconstruire après inondation » et également prévu par la loi de finances pour 2021. Sont concernées « les communes désignées par arrêté du ministre chargé de la prévention des risques naturels parmi celles faisant l’objet, depuis moins d’un an, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à la suite d’inondations ». Cette expérimentation est réalisée « au bénéfice de biens à usage d’habitation couverts par un contrat d’assurance » pour une durée « limitée à trois ans à compter de la désignation d’au moins une commune ». Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport d’évaluation établissant des propositions de prorogation ou d’arrêt du dispositif (III de l’article 224 de la loi de finances pour 2021).

Voir également : QE n°24340, JO AN du 8 septembre 2019, p.6129

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