Le Centre européen pour la restauration des rivières, réseau paneuropéen réunissant divers ministères et organismes parapublics en charge de la mise en œuvre des politiques de restauration écologique des cours d’eau, vient de publier un rapport répertoriant les résultats d’une enquête comparative menée durant le second semestre 2020. Les contributions des 26 pays européens qui ont répondu ont ainsi été comparées et analysées.
L’enquête a été confiée à la Fondation néerlandaise pour la recherche appliquée dans le domaine de l’eau, en collaboration avec différents Ministères et opérateurs parapublics européens en charge de la supervision ou de la coordination des politiques de restauration des continuités écologiques. En France, les contributions des acteurs intéressés – malheureusement le rapport n’indique pas lesquels – ont été centralisées par l’Office français pour la biodiversité (OFB). Un questionnaire semi-directif, lequel figure dans le rapport (pp.38-48), a permis de recueillir les données traitées dans le rapport. Malgré les biais qu’induisent la méthodologie retenue et le caractère difficilement exploitable de ces résultats, plusieurs réflexions intéressantes en ressortent.
Tout d’abord, pour les Etats membres de l’Union Européenne qui ont répondu, il appert que le droit communautaire (par le biais de la directive-cadre sur l’eau et les plans grands migrateurs, puis Natura 2000 dans une moindre mesure) constitue le principal moteur des politiques – du moins des politiques nationales – de restauration de la continuité écologique. Reste qu’on peut émettre l’hypothèse que cette préoccupation vis-à-vis du droit communautaire est sans doute plus affirmée chez les administrations centrales (ou fédérales) que chez les acteurs locaux. Vient ensuite l’objectif de restaurer les continuités entre les différents réservoirs de biodiversité. Enfin, l’importance donnée à la restauration des fonctionnalités écologiques des cours d’eau est, en revanche, très variable bien que plutôt affirmée.
Pour la quasi-totalité des pays européens qui ont répondu, c’est l’impact écologique généré par les obstacles qui justifie en premier lieu l’intervention pour restaurer la continuité écologique, plutôt que la facilité technique de l’opération à réaliser, l’absence de passe à poisson ou encore le caractère obsolète des ouvrages.
S’agissant des aménagements privilégiés, le retrait des barrières est une solution davantage privilégiée par la France, y compris par rapport aux autres Etats européens. Néanmoins, une forte utilisation est également faite, par la France comme par ses voisins européens, de l’aménagement de passes à poisson. On constate qu’au niveau européen, la propension d’un pays à recourir à un aménagement particulier (rivière de contournement, passe à poisson, arasement, dérasement…) est très variable.
En matière de financement, si les pays d’Europe de l’est qui sont membres de l’Union européenne font une importante utilisation des fonds européens structurels et d’investissement, les pays d’Europe occidentale recourent davantage à des fonds publics internes. Concernant les modes d’actions privilégiés (bonnes pratiques, réglementation, intégration des autres politiques publiques ; soutien financier des projets ou des propriétaires d’ouvrage, …), aucune tendance nette n’est mise en évidence.
En France, les groupes d’intérêts les plus influents vis-à-vis des politiques de restauration des continuités écologiques des cours d’eau sont, dans l’ordre, le secteur de l’énergie, les propriétaires fonciers puis les associations d’usagers (canoë-kayaks ; pêche à la ligne). L’influence du secteur public y est plutôt faible, alors qu’elle est plutôt importante au Royaume-Uni et modérée dans la plupart des autres pays européens.
Sans surprise, au niveau européen, la production d’énergie hydro-électrique est la principale source de tensions auxquelles sont confrontées les politiques de restauration de la continuité écologique. Viennent ensuite les enjeux autour de la prévention des inondations. Les résultats sont beaucoup plus variables entre les pays européens en ce qui concerne la rétention d’eau à des fins agricoles ou de production d’eau potable. Il ressort que par rapport à la moyenne, la France est davantage confrontée à des conflits entre la restauration des continuités et la plupart des autres usages.
La fréquence des oppositions aux projets de restauration est plutôt variable, un tiers des pays répondants indiquant qu’elle est rare ou absente, tandis qu’un autre tiers indique qu’elle est systématique ou très fréquente. Il en ressort que l’attachement des populations locales au patrimoine culturel comme vecteur d’opposition à la restauration des continuités écologiques n’est pas une spécificité française. Figurent parmi les motifs les plus fréquents la volonté des pêcheurs à la ligne de conserver un point d’eau ainsi que la crainte des propriétaires riverains vis-à-vis des inondations. Il semblerait que si la France est un des pays où la volonté politique de restaurer les continuités écologiques est la plus forte, c’est également le pays dans lequel les conflits seraient les plus importants/fréquents.
Selon les répondants, les actions qu’il conviendrait de privilégier, afin d’améliorer la communication autour des politiques de restauration des continuités écologiques, sont, dans l’ordre, la sensibilisation du public, la valorisation des bonnes pratiques et le renforcement de la participation du public.
- Sharelle Verheij, Enquête sur la continuité écologique des rivières, Une enquête paneuropéenne pour améliorer l’élaboration des politiques et des stratégies de restauration des continuités écologiques des rivières, novembre 2020