Le présent article est un complément de la note de la FNCCR relative aux obligations de desserte et les règles de financement des extensions des réseaux d’eau et d’assainissement. Il présente par ordre antéchronologique des arrêts précisant les règles et procédures d’urbanisme à respecter lorsque le raccordement d’une parcelle à construire ou à aménager nécessite une extension ou un renforcement du réseau public d’assainissement. Chacun de ces arrêts a précédemment fait l’objet d’un commentaire dans la lettre d’actualités du département cycle de l’eau de la FNCCR.
TA Clermont-Ferrand, 31 mai 2022, n°2101037
Extrait :
8. […] Aux termes de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés« .
9. Ces dispositions poursuivent notamment le but d’intérêt général d’éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d’être contraints, par le seul effet d’une initiative privée, de réaliser des travaux d’extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou d’électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d’urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu’un permis de construire doit être refusé lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d’autre part, l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation. Si ces dispositions n’imposent pas que l’autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d’achèvement des travaux, l’intention de les réaliser doit pouvoir être établie. Tel peut être le cas si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire litigieux.
10. Il est constant que, ainsi que le précise l’arrêté en litige, le projet est subordonné à une extension du réseau d’électricité de 160 mètres ainsi que du réseau collectif d’assainissement. D’une part, s’agissant du réseau électrique, l’avis d’ENEDIS en date du 10 juin 2020 comporte les indications nécessaires concernant le coût des travaux à effectuer, s’élevant à 15 963,78 €, dont 60 % doivent être pris en charge par la collectivité publique, et concernant le délai de réalisation « de 4 à 6 mois après l’ordre de service de la CCU et l’accord du client ». Toutefois, si l’avis du maire du 22 octobre 2020 joint au dossier indique : « RAS les extensions de réseaux (EU, EP, électrique) seront pris en compte par la mairie », et que la commune soutient qu’une somme de 16 000 € HT est prévue à son budget approuvé en avril 2021, il ne résulte d’aucun document existant à la date de la décision attaquée que la collectivité ait effectivement délibéré sur la prise en charge de ces travaux d’extension. D’autre part, s’agissant du réseau d’assainissement, si la commune indique qu’elle poursuit un projet de rénovation et de modernisation des réseaux sur l’allée Vitalis Royer qui permettra in fine de raccorder le projet au réseau collectif d’assainissement, elle ne verse aux débats qu’un plan des réseaux du quartier daté de février 2022, un autre plan non daté intitulé « projet de rénovation des réseaux d’assainissement », et les documents budgétaires des exercices 2021 et 2022 relatifs aux crédits engagés pour ce projet. Or, ces documents n’attestent pas davantage que la commune avait l’intention de réaliser ces travaux à date de délivrance du permis de construire. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire en litige a été délivré en méconnaissance de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme.
Commentaire de la FNCCR (lettre d’actualités n°67 de novembre 2022) :
Conformément à la loi, « lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés » (C. urb., art. L.111-11).
« Il en résulte », selon une jurisprudence constante, « qu’un permis de construire doit être refusé lorsque, d’une part, des travaux d’extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d’autre part, l’autorité compétente n’est pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation » (CE, 1ère ch., 21 sept. 2022, n°455174 ; CE, 1ère SSJS, 27 juill. 2015, n°374035). En conséquence, un permis de construire ou d’aménager ne doit pas être accordé lorsque le service d’eau ou d’assainissement ne projette pas la réalisation d’une extension de réseau.
Dans une jurisprudence antérieure, le Conseil d’Etat a pu préciser « que si ces dispositions n’imposent pas que l’autorité délivrant le permis soit en mesure de fixer la date précise d’achèvement des travaux, l’intention de les réaliser doit pouvoir être établie ; que tel peut-être le cas si les procédures nécessaires à leur réalisation ont été engagées à la date de délivrance du permis de construire litigieux »(CE, 6e ch., 21 fév. 2013, n°350294).
Dans la continuité de cette jurisprudence, le TA de Clermont-Ferrand a rendu une ordonnance en date du 31 mai 2022, par laquelle il indique que l’inscription d’une dépense au budget annexe primitif d’assainissement ne suffit pas à traduire l’intention de la collectivité compétente de réaliser une extension de réseau. En l’espèce, « si la commune indique qu’elle poursuit un projet de rénovation et de modernisation des réseaux […] qui permettra in fine de raccorder le projet au réseau collectif d’assainissement, elle ne verse aux débats qu’un plan des réseaux du quartier daté de février 2022, un autre plan non daté intitulé « projet de rénovation des réseaux d’assainissement », et les documents budgétaires des exercices 2021 et 2022 relatifs aux crédits engagés pour ce projet. Or », indique le juge, « ces documents n’attestent pas davantage que la commune avait l’intention de réaliser ces travaux à date de délivrance du permis de construire. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le permis de construire en litige a été délivré en méconnaissance de l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme ».
En toute logique, cet argument, valable pour la compétence « assainissement », devrait l’être également pour la compétence « eau potable ».