GEPU et GEMAPI : légalité d’une convention de maîtrise d’ouvrage déléguée (réalisation d’un bassin de rétention)
Décision : TA Versailles, 16 décembre 2022, n° 2206038
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 décembre 2021, le syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau et la communauté d’agglomération Grand Paris Sud ont conclu une convention intitulée » convention de délégation de maîtrise d’ouvrage pour l’opération de réalisation d’un bassin de rétention des eaux pluviales à Villabé au sein du cirque de l’Essonne » qui organise le transfert de la maîtrise d’ouvrage d’un bassin de rétention des eaux pluviales à Villabé de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud en faveur du syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau, et qui prévoit un financement de ladite communauté d’agglomération. Cette convention a été reçue en préfecture le 23 février 2022. Par un courrier en date du 25 avril 2022 adressé au président du syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau, elle a fait l’objet d’un recours gracieux demandant son annulation. Le syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau et de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud ont adressé leurs réponses réceptionnées les 8 et 30 juin 2022. Par le présent déféré, le préfet de l’Essonne demande au tribunal l’annulation de cette convention.
Sur la recevabilité du déféré préfectoral :
2. En premier lieu, il ressort des pièces versées au dossier que, par l’article 1er de l’arrêté n°2022-PREF-DCPPAT-BCA-102 en date du 19 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l’Essonne, le préfet de l’Essonne a délégué sa signature à M. Kaplan, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous documents relevant des attributions de l’État dans le département de l’Essonne, à l’exception des arrêtés de conflit ainsi que des réquisitions du comptable. Ainsi, le syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau n’est pas fondé à opposer une fin de non-recevoir tirée de ce que le recours gracieux en date du 25 avril 2022, signé par le secrétaire général de la préfecture, aurait été entaché d’incompétence.
3. En second lieu, aux termes de l’arrêté précité, en cas d’empêchement du secrétaire général de la préfecture et du sous-préfet de l’arrondissement de Palaiseau, la délégation de signature ainsi consentie est exercée par M. A, directeur de cabinet du préfet. Dès lors, celui-ci disposait d’une délégation régulière pour signer le déféré préfectoral. Si le syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau soutient qu’il ne serait pas établi que le secrétaire général de la préfecture et le sous-préfet de Palaiseau auraient été empêchés, et qu’ainsi les conditions de mise en oeuvre de la délégation consentie au directeur de cabinet ne seraient pas satisfaites, il n’apporte aucun élément à l’appui de ces allégations.
4. Enfin, aux termes de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : » Le représentant de l’État dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission « . Si le préfet dispose d’un pouvoir propre pour déférer au juge administratif les actes des collectivités territoriales qu’il estime irréguliers et s’il ne peut, pour l’exercice de cette compétence, déléguer sa signature aux agents en fonction dans les préfectures, aucune disposition ne fait en revanche obstacle à ce qu’il donne délégation à cette fin aux divers membres du corps préfectoral, parmi lesquels le secrétaire général et le directeur du cabinet. Il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée de l’incompétence du signataire du déféré doit être écartée.
Sur les conclusions en annulation :
Sur la légalité de la convention déférée :
5. D’une part, aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / () / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (), les inondations () et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure () « . L’article L. 2226-1 du même code dispose que » la gestion des eaux pluviales urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommée service public de gestion des eaux pluviales urbaines. « . Aux termes de l’article R. 2226-1 de ce code, la commune ou l’établissement public compétent chargé du service public de gestion des eaux pluviales » assure la création, l’exploitation, l’entretien, le renouvellement et l’extension de ces installations et ouvrages ainsi que le contrôle des dispositifs évitant ou limitant le déversement des eaux pluviales dans ces ouvrages publics (). « .
6. D’autre part, aux termes de l’article L. 211-7 du code de l’environnement : » I. – Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels qu’ils sont définis au deuxième alinéa de l’article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics territoriaux de bassin prévus à l’article L. 213-12 du présent code peuvent, sous réserve de la compétence attribuée aux communes par le I bis du présent article, mettre en oeuvre les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et des gestion des eaux, s’il existe, et visant : / 1° L’aménagement d’un bassin ou d’une fraction de bassin hydrographique () / 5° La défense contre les inondations et contre la mer () / I bis. – Les communes sont compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette compétence comprend les missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I. A cet effet, elles peuvent recourir à la procédure prévue au même I () « . Selon l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : » I. – La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : () / 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l’article L. 211-7 du code de l’environnement () « .
7. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que la réalisation d’un bassin de rétention des eaux de pluie est susceptible d’être rattachée à la définition légale de la compétence » gestion des eaux pluviales urbaines » par la collecte et le stockage des eaux pluviales urbaines avant que celles-ci ne se déversent dans le réseau d’eaux pluviales des communes de Villabé et de Corbeil-Essonnes.
8. En second lieu, il ressort également de l’intention des parties que le projet de construction de ce bassin de rétention figurait déjà dans le schéma d’assainissement dressé en 2011 et que l’absence de bassin entraîne non seulement des inondations mais également des ruissellement dûs à l’abondances des eaux pluviales. Or, si la prévention des inondations est bien la finalité ultime du bassin de rétention prévu par la convention en litige, le choix opéré pour atteindre cette finalité porte sur l’amélioration de la collecte des eaux pluviales issues d’aires urbaines pour éviter un engorgement du réseau de collecte, et non pour éviter un débordement du cours d’eau de l’Essonne.
9. Dans ces conditions, la construction du bassin de rétention projeté sur le territoire de la commune de Villabé ayant pour finalité la lutte contre la surcharge du réseau d’eaux pluviales afin de limiter la survenance d’inondations constatées rue Ferdinand Laguide et boulevard Lacouillard à Corbeil-Essonnes lors d’épisodes pluvieux intenses, les parties à la convention litigieuse sont fondées à organiser le transfert de la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage ainsi que le financement de ce transfert par la conclusion de la convention déférée en se fondant sur la compétence » gestion des eaux pluviales urbaines » sans qu’il ne soit porté atteinte aux principes de spécialité et d’exclusivité.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le déféré du préfet de l’Essonne doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l’espèce, au regard de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau en mettant à la charge de l’État la somme de 1.500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le déféré du préfet de l’Essonne est rejeté.
Article 2 : L’État versera la somme de 1.500 (mille cinq cents) euros au syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet de l’Essonne et au syndicat intercommunal d’aménagement, de rivières et du cycle de l’eau.