Responsabilités en cas d’interruption de la circulation pour travaux

Responsabilités en cas d’interruption de la circulation sur la voirie publique lorsque des travaux sont réalisés

Le TA de Versailles a récemment rendu un arrêt (2004681) intéressant dans la mesure où il tend à confirmer que la réalisation de travaux sur des réseaux situés sous la voie publique pourrait engager la responsabilité du maître d’ouvrage public, y compris sans faute, dès lors que l’accès des riverains à la voie publique est rendu excessivement difficile.

Pour mémoire, le Conseil d’Etat avait déjà établi que « les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l’assiette, la direction ou l’aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d’interdire ou de rendre excessivement difficile l’accès des riverains à la voie publique »[1].

Puisque la réalisation de travaux entraîne systématiquement des difficultés d’accès pour les riverains, s’il y a parmi ces derniers des personnes qui souhaitent obtenir une indemnité, « il appartient, dans cette hypothèse, aux intéressés d’établir qu’ils subissent, dans les circonstances de l’espèce, un préjudice grave et spécial », ainsi que le rappelle le TA de Versailles.

En l’espèce, le requérant était un cressiculteur exploitant des parcelles riveraines d’une route départementale, laquelle faisait l’objet de travaux sous maîtrise d’ouvrage d’un syndicat en charge de la distribution de l’eau potable. Plus précisément, les travaux visaient à sécuriser la distribution d’eau potable de certaines communes et consistaient en l’enfouissement de canalisations sous la route départementale. Sur demande du syndicat, le président du conseil départemental a pris un arrêté portant restriction des conditions de circulation sur la route départementale pour une durée de trois mois et prescrivant la mise en place d’une signalisation provisoire.

Estimant subir un préjudice du fait de la restriction de la circulation imposée par cet arrêté, le cressiculteur a souhaité obtenir une indemnisation du département à hauteur de 10 000 eurosv puis, devant le refus qui lui a été opposé, a demandé au TA de Versailles de condamner solidairement la commune, le département et le syndicat d’eau potable à lui verser l’indemnité demandée.

S’agissant du syndicat, qui n’a pas commis de faute, le juge administratif a donc vérifié si le requérant avait effectivement démontré l’existence d’un préjudice grave et spécial. Or, le requérant a soutenu « que la fermeture de la route départementale […] à la circulation a eu pour conséquence d’empêcher pendant quatre semaines l’accès en véhicule à son exploitation agricole et notamment de stationner à proximité de la chambre froide où il stocke sa récolte de cressons et produit pour se faire des articles de presse et des photographies ». Le juge estime toutefois que « ces photographies et les témoignages de tiers ne permettent pas d’établir que les travaux ont eu pour conséquence d’interdire ou de rendre excessivement difficile l’accès à son exploitation et notamment la chambre froide ». Le juge relève en outre que, durant la première phase du chantier, « l’accès aux propriétés était possible toute la journée, y compris pendant les horaires de chantier », tandis que durant la deuxième phase, « un accès par [une] commune [voisine] en empruntant la RD […] a été rendu possible, sur demande expresse de la commune [sur laquelle était implantée la parcelle] pour permettre notamment l’accès à l’exploitation du requérant ». Durant la troisième phase, « un nouvel accès a été consenti pour permettre [au requérant] d’accéder à la cressonnière » et, enfin, lors de la dernière phase, « le passage d’accès à l’exploitation [initial] était à nouveau possible ».

Le juge administratif a donc conclut à l’absence de préjudice grave et spécial, dans la mesure où « l’accès à l’exploitation [du requérant] n’a été restreint que durant une semaine et uniquement durant les heures de chantiers. Ainsi, l’allongement de ses temps de parcours n’a été que très temporaire et l’accès à son exploitation et en particulier à sa chambre froide n’a pas été rendu excessivement difficile par les restrictions de circulation imposées par les travaux, lesquelles au demeurant n’ont été que de courte durée ».

Enfin, les responsabilités pour carence fautive de la commune et du département étaient recherchées au motif « qu’elles n’ont pas procédé aux aménagements nécessaires pour […] permettre [au requérant] d’accéder au plus près à sa chambre froide, lieu de stockage de ses récoltes pendant toute la durée des travaux ». Ce moyen a néanmoins été écarté par le tribunal administratif, qui rappelle en outre que le requérant avait été informé de la gêne à venir dans la mesure où « les travaux nécessitant l’arrêt de la circulation et présentant potentiellement une gêne pour les habitants ont été présentés par la commune […] à l’occasion d’une réunion publique en mairie […]. Le maire de la commune a également adressé un courrier […] à tous les résidents du secteur concerné pour préciser les modalités de fermeture de la voie. Enfin, un panneau d’information pour les usagers de la RD a été posé sur le site par le [syndicat] ».

[1] CE, 4ème et 5ème SSR, 11 févr. 2015, n°367342

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