Défense extérieure contre l’incendie des bâtiments existants

La responsabilité civile d’une personne publique peut-elle être recherchée en cas de préjudice provoqué par l’absence de PEI ?

Arrêt : CAA Toulouse, 1ère, 29 déc. 2022, n°20TL02930

Commentaire de la FNCCR (Lettre d’actualités n°69, janvier 2023)

En l’état actuel de la jurisprudence, des incertitudes demeurent sur l’étendue des responsabilités des communes et groupements de collectivités compétents en matière de DECI, ou/et dont le maire ou le président exerce le pouvoir de police spéciale correspondant.

On sait que la responsabilité de communes a pu être engagée en raison du mauvais entretien d’un point d’eau incendie (PEI) voire même du mauvais entretien des alentours d’un PEI (en l’espèce, la responsabilité pour faute d’une commune avait été établie, l’absence d’entretien des alentours d’un poteau incendie ayant conduit à ce que des herbes hautes en réduisent considérablement la visibilité, ce qui avait contribué à ralentir une intervention du SDIS[1]).

En revanche, une incertitude demeure lorsque le préjudice est provoqué non pas par un PEI défaillant, peu visible ou difficile d’accès, mais par l’absence de PEI.

Un arrêt récent de la CAA de Toulouse apporte un éclairage, certes limité, sur cette question. En l’espèce, une société d’assurance invoquait une faute de la commune pour obtenir de cette dernière le remboursement du tiers des préjudices subis à l’occasion d’un incendie qui a entièrement détruit une maison d’habitation et une grange attenante qui appartenaient à un couple d’assurés. Selon l’assurance, l’absence d’hydrant aurait considérablement entravé l’intervention du SDIS et serait à l’origine du préjudice subi par les abonnés.

Le juge administratif a relevé « que le point d’eau incendie le plus proche du lieu du sinistre, qui est survenu sur le territoire de la commune de Brouilla, se situait à une distance de plus de 1,4 kilomètre, compromettant son utilisation par les services de secours lors de l’intervention du 13 février 2015. Il ressort également du rapport d’expertise que les sapeurs-pompiers ont engagé la manœuvre d’extinction de l’incendie à 20 heures 36 au moyen d’un fourgon pompe tonne secours routier, dont la capacité de 3 500 litres d’eau a été épuisée aux alentours de 20 heures 45, et que les porteurs d’eau de grande capacité sont arrivés sur place à partir de 20 heures 49 ». Précisons, à toutes fins utiles, qu’à la date du sinistre (le 15 février 2015), le cadre réglementaire de la DECI n’était pas encore fixé. En effet, l’incendie précède de 2 semaines la publication du décret relatif à la DECI (qui a été publié au JORF le 1er mars 2015).

Néanmoins, le juge administratif a estimé que la responsabilité de la commune ne saurait être engagée dès lors qu’il n’y avait aucun lien de causalité entre l’absence d’hydrant – « à la supposer fautive » comme prends le soin de le préciser la cour – et les préjudices invoqués. Ainsi, « aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’utilisation d’une borne à incendie, conjuguée à l’action réalisée à partir de ces camions citernes, aurait permis de lutter plus efficacement contre le feu. Il s’en déduit que l’absence d’hydrant n’a été à l’origine que d’une brève rupture d’alimentation en eau ». Le juge considère également qu’il « ne résulte pas de l’instruction, dès lors qu’au moment de cette rupture, l’incendie, qui était particulièrement avancé et virulent, s’était propagé à l’ensemble des bâtiments qui ont été détruits, que cette destruction aurait pu être évitée si l’alimentation en eau n’avait pas fait l’objet de cette courte interruption ».

Finalement, « dans ces conditions, il n’est pas établi que l’absence d’hydrant installé à proximité du site par la commune de Brouilla, à la supposer fautive, aurait été à l’origine directe, même pour partie, des préjudices invoqués, liés à la destruction de la maison d’habitation et de la grange attenante. Par suite, la responsabilité de la commune de Brouilla ne peut être engagée pour assurer la réparation partielle de ces préjudices ».

Remarquons que le juge administratif ne s’est pas prononcé sur l’éventualité où l’absence d’hydrant aurait été préjudiciable et, ainsi, il n’est pas confirmé ou infirmé que l’absence d’hydrant pourrait engager la responsabilité de la commune ou du groupement de collectivités compétent en matière de DECI ou à l’échelle duquel est exercé le pouvoir de police spéciale afférent.

En l’état actuel du droit, en cas de couverture insuffisante sur le territoire, l’élaboration d’un schéma (inter)communal de DECI, bien que facultative, pourrait s’avérer très utile, puisque cette démarche permet de planifier et, surtout, de prioriser les investissements à réaliser selon les risques à couvrir. En effet, on peut raisonnablement imaginer qu’en cas de contentieux, dès lors que le schéma (ou à défaut, du moins, les études préparatoires) serait versé aux pièces du dossier, le juge administratif en tiendrait compte afin d’apprécier la situation.

Enfin, n’oublions pas que le SDIS est également en mesure de mobiliser des moyens supplémentaires dans les secteurs sur lesquels il n’est pas en mesure de s’approvisionner en eau rapidement ou efficacement.

Dans ces conditions, un facteur important pour réduire les incertitudes juridiques du service public de DECI et du détenteur du pouvoir de police spéciale est de veiller à ce que le SDIS soit bien informé de la situation de chaque PEI, et que ceux-ci demeurent contrôlés au titre du pouvoir de police spéciale (en respectant la périodicité prévue dans le RDDECI[2]), entretenus, visibles et accessibles. Dans ces circonstances, la commune ou le groupement de collectivités concerné pourrait argumenter qu’elle a accompli toutes les diligences nécessaires afin de dégager sa responsabilité ou, du moins, la limiter.

Quant au SDIS, rappelons que l’obligation lui incombe de réaliser des reconnaissances opérationnelles selon des modalités et conformément à une périodicité fixée par le RDDECI[3].

[1] CAA Lyon, 15 novembre 2018, n°16LY02990

[2] CGCT, art. R.2225-9

[3] CGCT, art. R.2225-10

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