Cible du chèque énergie en 2024
Les critères d’éligibilité des ménages au chèque énergie font intervenir deux paramètres : le revenu fiscal de référence du ménage (RFR) et la composition du ménage, exprimée en unités de consommation (UC). Afin d’identifier les ménages bénéficiaires du chèque énergie, un croisement était ainsi jusqu’alors opéré entre les fichiers des déclarations de revenus (base de l’impôt sur le revenu) et de la taxe d’habitation (TH) pour déterminer la composition des ménages éligibles. Alors que la suppression de la taxe d’habitation était annoncée de longue date (cf. loi de finances 2020, publiée fin 2019), et que de nombreux acteurs – parmi lesquels la FNCCR – réclamaient une adaptation du dispositif avant cette bascule, l’administration a présenté à l’examen du Conseil supérieur de l’énergie (CSE) du 25 janvier un projet de décret qui, prenant acte de la suppression de la base de données afférentes à la TH, prévoyait d’adresser les chèques énergie 2024 aux bénéficiaires du chèque énergie 2023. Autrement dit, il s’agissait ainsi de viser uniquement les ménages identifiés comme éligibles à partir de leur revenu fiscal de référence 2021, déclaré en 2022, et de leur situation au regard de la taxe d’habitation au 1er janvier 2022.
Les organisations de consommateurs membres du CSE ont vivement réagi, en demandant un report de l’examen de ce texte, auquel s’est associée la FNCCR. Après des annonces faites par le ministre en charge de l’Energie dans les médias (une sorte d’opération « déminage » à la suite de la diffusion d’un communiqué de presse cosigné par de nombreuses associations de consommateurs), l’administration a présenté une nouvelle version du projet de décret dans le cadre d’une réunion ultérieure de cet organisme (séance du 13 février 2023).
Cette version comprend un article complémentaire mettant en place un guichet de rattrapage pour les bénéficiaires du chèque énergie, au titre de leurs revenus 2022. Ainsi, l’envoi en masse du chèque énergie 2024 sera opéré à destination de la même cible que les ménages visés par la campagne du chèque énergie 2023 et ceux qui estiment pouvoir prétendre au bénéfice de cette aide (en raison de leurs seuils de revenus 2022) devront se manifester pour en demander l’octroi, ce qui pourrait concerner selon la DGEC près d’un million de ménages. Divers amendements ont été présentés en séance pour améliorer le fonctionnement de ce dispositif de rattrapage par notamment les organisations de consommateurs, qui ont tous fait l’objet d’un appui de la Fédération (précision concernant la composition d’un ménage, report du délai de réclamation au 31 décembre 2025, possibilité de bénéficier de ce rattrapage au moyen d’un formulaire papier, encadrement du délai de traitement des réclamations, …).
Toutefois, il convient de signaler que malgré toutes les améliorations qui pourraient être apportées à ce dispositif de rattrapage qui prend la forme d’une plateforme mise en place par l’Agence de services et de paiement (ASP) – chargée de la gestion de cette aide – « au plus tard le 31 décembre 2024 », de nombreux ménages risquent, par défaut d’information ou d’accompagnement, de passer entre les mailles du filet. C’est la raison qui a conduit la FNCCR à s’entêter en proposant un amendement de principe volontairement simpliste visant une prise en compte des revenus 2022 (au lieu de 2021) dans les envois en masse du chèque énergie 2024, qui devraient être effectués par l’ASP au cours du printemps. L’exposé des motifs de cet amendement, qui a été approuvé par les membres du CSE mais rejeté par le Gouvernement, était le suivant :
La loi renvoie explicitement au revenu fiscal de référence du ménage pour l’application des conditions d’éligibilité au chèque énergie (article L. 124-1 du code de l’énergie). Or, l’administration fiscale calcule le revenu fiscal de référence à partir des derniers revenus déclarés disponibles. Et c’est bien cette règle qui a toujours été appliquée depuis la création du chèque énergie, le bénéfice de ce chèque s’appuyant sur le dernier avis d’imposition. Dans ces conditions, il y a lieu, pour 2024, de prendre en compte l’année d’imposition 2022 pour le revenu fiscal de référence.
Il est en effet indispensable de ne pas accroître encore davantage le décalage entre la cible des ayants droit de cette aide et la réalité vécue par des ménages dont la situation peut se dégrader très rapidement. Beaucoup d’acteurs sur le terrain constatent déjà un tel décalage lorsque deux années séparent les revenus pris en compte et l’attribution de l’aide, ce que confirme la Cour des comptes dans son rapport de février 2022. Augmenter encore d’un an cet écart risque de conduire à laisser de côté de nombreux ménages dont les revenus ont fortement diminué tout en octroyant une aide à des ménages qui n’en ont plus besoin. Le dispositif du chèque énergie perdrait alors considérablement en efficacité.
A la suite de la demande de retrait de l’examen du présent texte au cours de la précédente réunion du CSE, que nous avons également portée, et à une forte mobilisation des OC, un dispositif de rattrapage pour les potentiels nouveaux bénéficiaires du chèque énergie (par rapport à la cible des ayants droit 2023 de cette aide) a été intégré à l’article 5 du projet de décret. Toutefois nous ne pouvons nous satisfaire de cette solution très imparfaite dans la mesure où cette fin programmée de la disponibilité de la base de données afférente à la TH était connue depuis plusieurs années et aurait dû être prise en compte, comme le réclamaient d’ailleurs avec force divers acteurs dont la FNCCR, mais surtout parce qu’en raison de la vulnérabilité particulière des ménages qui seront concernés par ce dispositif de rattrapage, nombreux seront ceux qui restés silencieux et invisibles ne bénéficieront pas effectivement de cette aide pourtant indispensable dans le contexte inflationniste que nous connaissons.
Cette avancée ne figurera vraisemblablement pas dans la version définitive du décret mais il nous a semblé essentiel de rappeler que les ménages les plus vulnérables n’avaient pas à faire les frais de certains errements administratifs (NB : la DGEC a indiqué qu’ « une mission d’inspection de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’économie (CGE) travaille actuellement sur une solution applicable en 2025 »).
Extension du chèque énergie pour le paiement des charges locatives en HLM
L’article 231 de la loi de finances pour 2024 a prévu la possibilité pour les habitants des HLM de régler une partie de leurs charges locatives au moyen du chèque énergie. Ce dernier ne pouvait en effet jusqu’alors être utilisé dans ces logements que pour régler des factures individuelles d’électricité.
Le projet de décret présenté au CSE prévoit ainsi dans ses articles 1 à 3, en complément des dispositions évoquées supra, des adaptations de la partie réglementaire du Code de l’énergie (articles R.124-4 et suivants) afin de permettre le paiement des charges locatives avec le chèque énergie incluant des frais d’énergie ainsi que les modalités de remboursement des bailleurs sociaux, la mise en œuvre d’un dispositif de pré-affectation du chèque auprès des bailleurs sociaux et les modalités de gestion en cas de montant de chèque supérieur aux charges locatives.
Un projet d’arrêté, examiné au cours de cette même séance, précise par ailleurs les pièces justificatives que doivent adresser les gestionnaires de logement social à l’ASP pour pouvoir devenir des acceptants du chèque énergie. Il précise également que les fournisseurs d’électricité et de gaz sont désormais tenus d’adresser leur autorisation de fourniture lors de leur enrôlement auprès de l’ASP.
Demande de revalorisation du barème des chèques énergie
La FNCCR a par ailleurs profité de l’examen de ces textes pour demander – de nouveau et de concert avec d’autres acteurs (cf. notamment cette initiative collective de novembre 2023) – une revalorisation du montant des chèques énergie, inchangé depuis 2019 malgré l’augmentation assez remarquable depuis cette période des factures d’énergie des ménages liées au logement.