Zones d’assainissement collectif et obligation de desserte dans un « délai raisonnable »
L’article L.2224-10 du CGCT indique : « Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique : / 1° Les zones d’assainissement collectif où elles sont tenues d’assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l’épuration et le rejet ou la réutilisation de l’ensemble des eaux collectées ; / 2° Les zones relevant de l’assainissement non collectif où elles sont tenues d’assurer le contrôle de ces installations et, si elles le décident, le traitement des matières de vidange et, à la demande des propriétaires, l’entretien et les travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d’assainissement non collectif […] ».
Le Conseil d’État considère qu’« il résulte de ces dispositions qu’il appartient aux communes, ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents, qui disposent sur ce point d’un large pouvoir d’appréciation, de délimiter les zones d’assainissement collectif et d’assainissement non collectif en tenant compte de la concentration de la population et des activités économiques productrices d’eaux usées sur leur territoire, de la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées, ainsi que des coûts respectifs des systèmes d’assainissement collectif et non collectif et de leurs effets sur l’environnement et la salubrité publique. Il résulte également de ces dispositions qu’après avoir délimité une zone d’assainissement collectif, les communes, ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents, sont tenues, tant qu’elles n’ont pas modifié cette délimitation, d’exécuter dans un délai raisonnable les travaux d’extension du réseau d’assainissement collectif afin de le raccorder aux habitations qui sont situées dans cette zone et dont les propriétaires en ont fait la demande. Ce délai doit s’apprécier au regard des contraintes techniques liées à la situation topographique des habitations à raccorder, du coût des travaux à effectuer, du nombre et de l’ancienneté des demandes de raccordement. ».
Cet arrêt est donc très important pour les collectivités en charge de l’assainissement. En effet, jusqu’à présent, la « doctrine » de l’administration excluait toute portée programmatique et d’engagement de délai de réalisation des ouvrages de collecte (et le cas échéant de traitement) des eaux usées des zones classées en assainissement collectif mais non encore équipées. Même si le Conseil d’État ne fixe pas de délai pour réaliser ces travaux (il mentionne un « délai raisonnable » tenant compte des contraintes techniques, du coût des travaux et de l’ancienneté des demandes de raccordement), les collectivités doivent donc être prudentes quant à la détermination des zones destinées à relever de l’assainissement collectif afin de ne pas classer en assainissement collectif des zones que manifestement elle sera dans l’incapacité de desservir avant de nombreuses années.
Légalité du refus d’extension du réseau public de collecte des eaux usées
Un propriétaire a sollicité la commune, compétente en assainissement collectif, pour que soit desservi sa maison, ce qui nécessitait une extension de réseau. La commune ayant refusé sa demande pour des raisons financières « compte tenu de l’importance des travaux à réaliser au regard du faible nombre d’habitations pouvant être desservies dans ce secteur », le propriétaire a engagé une action en justice, qu’il a perdue tant en première instance qu’en appel.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat considère qu’ « en jugeant, d’une part, que la seule circonstance que la commune du Rouret ait décidé de privilégier l’extension de son réseau d’assainissement en direction d’un quartier plutôt que d’un autre n’est pas de nature à révéler, par elle-même, une rupture d’égalité et, d’autre part, qu’il ne ressortait pas des pièces produites que la propriété de M. B… serait dans une situation identique aux propriétés bénéficiant de l’extension du réseau d’assainissement, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le refus de la commune d’engager des travaux d’extension du réseau public vers son habitation, alors que la commune avait décidé d’étendre ce réseau en direction d’autres habitations, dont certaines se situaient en dehors de la zone d’assainissement collectif, constituait une rupture d’égalité dans l’accès au service public de l’assainissement ».