Budget unique même en cas de mixité de modes de gestion ou de contrats

En cas de mixité de modes de gestion ou de pluralité de contrats de DSP relatifs à un même service public (situation très fréquente à la suite des transferts de compétences) les collectivités locales concernées se voyaient obligées de créer un budget dit « rattaché »[1] pour la partie du service exploité en régie dotée de la seule autonomie financière et autant de budgets annexes[2] que de contrats de délégation de service public sauf si les contrats présentaient des conditions financières analogues, c’est-à-dire des tarifs identiques (situation évidemment très rare). Cette individualisation portait tant sur la section de fonctionnement que sur la section d’investissement.

La Fédération a toujours contesté cette analyse qui ne reposait sur aucune base réglementaire mais uniquement « doctrinale » et qui conduisait à :

  • nuire à l’efficience de la gestion patrimoniale : obligation de gérer les immobilisations et la politique d’investissement par entité d’exploitation (régie / contrats)
  • limiter les possibilités d’harmoniser les tarifs ou au minimum la part collectivité « investissement » sans attendre l’échéance de l’ensemble des contrats de DSP en cours.

Certains adhérents ont quand même obtenu gain de cause mais sur la base de compromis fragiles.

Or, un arrêt des la Cour Administrative de Nantes du 8 janvier 2021 a pris le contrepied de ces analyses de l’administration (curieusement sur saisine du préfet) indiquant que : « aucune disposition législative ou réglementaire ne permet au conseil communautaire de l’établissement public de coopération intercommunale de déroger aux règles budgétaires, notamment rappelées dans le point 1.1.2 de l’instruction budgétaire et comptable M4 applicable aux services publics industriels et commerciaux, qui font obstacle, sauf dispositions contraires, à la création de plusieurs budgets annexes. Ainsi, la CC Domfront Tinchebray Interco ne peut utilement invoquer ni la disparité de gestion et de situation du service de l’assainissement au sein des différentes communes membres qui sont dotées d’un tel service d’assainissement collectif, ni l’absence d’atteinte au principe d’égalité des usagers de ce service. »
[CAA Nantes, n° 19NT04628 « CC Domfront-Tinchebray Interco », du 8 janvier 2021]

La DGFiP en a tiré les conclusions avec une note « Conséquences de la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Nantes sur les modalités de suivi budgétaire des services publics industriels et commerciaux (SPIC) en cas de modes de gestion différents, avril 2022 ».

  • un « budget rattaché » unique par « compétence » SPIC dès lors qu’il y a une partie au moins du service exploité en régie et le cas échéant d’autres parties en DSP
  • un « budget annexe » unique par « compétence » SPIC dès lors que le service est exclusivement exploité en DSP (via un ou plusieurs contrats)

La DGFiP impose toutefois en contrepartie un « suivi analytique les opérations de chaque mode de gestion de ce service pour se conformer aux différentes obligations afférentes aux SPIC, notamment celle tirée de la jurisprudence du Conseil d’État, « Société stéphanoise des eaux » du 30 septembre 1996, selon laquelle la redevance de l’usager doit trouver sa contrepartie directe dans le service rendu. Ce suivi analytique doit en effet permettre de dissocier le coût de chacun des modes de gestion. »

Cette nouvelle doctrine ne règle donc pas tous les problèmes d’harmonisation tarifaire puisque la DGFiP considère que le principe selon lequel « la redevance de l’usager doit trouver sa contrepartie directe dans le service rendu » doit s’appliquer à l’échelle de chaque mode de gestion et de chaque contrat et non de l’ensemble du service public de la collectivité. Cette obligation nous apparait porter une interprétation trop stricte du principe de « redevance pour service rendu ». Va-t-elle imposer demain une dissociation par « unité de distribution » ou par « système d’assainissement » dont il est évident que les coûts d’investissement et de fonctionnement n’ont aucune raison d’être identique même au sein d’une mpême régiue ou d’un même contrat) ? et après demain en fonction de l’éloignement, l’altitude… Un risque d’ouvrir une belle boîte de Pandore…

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[1] budget rattaché = budget dotée de l’autonomie financière (et non simplement budgétaire) disposant donc d’une gestion de trésorerie distincte de celle de la collectivité de rattachement (compte 515 distinct de celui du budget principal de la collectivité) –> voir note DGFiP Les budgets à autonomie financière sans personnalité morale : LES BUDGETS RATTACHES (BR) juin 2019

[2] budget annexe = uniquement autonomie budgétaire (pas de « subvention » entre budget principal et annexe ni directe ni via la prise en charge de dépenses relatifs à l’autre budget) mais maintien de l’unicité de trésorerie entre le budget principal et le ou les budgets annexes

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