Création d’une indemnité forfaitaire pour occupation illégale d’une forêt par des canalisations d’eau potable (loi)
L’implantation de canalisations dans le sous-sol d’une propriété privée sans l’autorisation du propriétaire est constitutive d’une « emprise irrégulière » (Conseil d’Etat, 8 mars 2002, n°231843). En l’absence de servitude amiable ou instaurée en application des articles L152-1 et -2 du code rural, le propriétaire peut demander l’enlèvement de la canalisation qui traverse son terrain ainsi que des dommages et intérêts au titre de l’occupation illégale de sa propriété.
En complément, la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a créé un article L125-1 au sein du code forestier, qui institue une indemnité forfaitaire en cas d’occupation illégale du sous-sol d’un bois ou d’une forêt par des canalisations de transport ou de distribution d’eau.
Cela signifie que les propriétaires de forêts peuvent réclamer cette somme au service de l’eau, et qu’en cas de refus du service le juge leur attribuera sans doute une indemnité de ce montant. Le montant annuel de redevance de 20€/mètre linéaire ou mètre carré (article D125-1) a été fixé dans le but de dissuader toute emprise irrégulière des parcelles forestières et d’inciter à la régularisation des ouvrages.
Il est donc important de régulariser sans tarder le passage des canalisations existantes par l’établissement d’une servitude amiable ou établie en application des articles L152-1 et L152-2 du code rural.
Ouvrage public irrégulier en terrain privé non régularisable mais atteinte à l’intérêt général et atteinte limitée à la propriété privée : pas de suppression ou déplacement de l’ouvrage
Un arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon rappelle les principes applicables aux cas d’emprise irrégulière d’un ouvrage public sur un terrain privé : « il appartient au juge administratif, saisi d’une demande d’injonction de suppression d’un ouvrage public, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue en qualité de juge de plein contentieux, s’il convient de faire droit à cette demande, au cas où l’ouvrage public dont la démolition est demandée est édifié irrégulièrement, de rechercher, d’abord, si, eu égard notamment à la nature de l’irrégularité, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d’une part, les inconvénients que la présence de l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les conséquences de la démolition pour l’intérêt général, et d’apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général » (voir également, pour une canalisation d’eau potable, l’arrêt CAA Bordeaux, 13 juillet 2017, syndicat URA, n°16BX00622, cité dans la dernière Lettre d’actualités juridiques du département eau de la FNCCR).
Mais en l’espèce, l’ouvrage en question, un poteau électrique, n’est pas régularisable, car il est situé sur un terrain bâti (présence d’un garage) et que les servitudes prévues dans le code de l’urbanisme ne peuvent être imposées que sur des terrains non bâtis. En conséquence, le juge recherche les inconvénients imputables à la présence de l’ouvrage pour le propriétaire du terrain, qu’il compare à l’intérêt général qui existe à ne pas déplacer ou supprimer ce poteau : « si l’ouvrage en question empiète sur la propriété de M. D…, à proximité de sa limite avec la voie publique, il ne résulte pas de l’instruction que, compte tenu de l’ampleur limitée de cet empiètement, il constitue effectivement un obstacle à ce que le requérant puisse clore sa propriété, ou génère des difficultés significatives de desserte de la propriété du requérant, ou, plus généralement, de circulation pour les usagers de cette rue ; qu’il résulte de l’instruction que le déplacement de cet ouvrage nécessiterait soit un enfouissement de la ligne, soit la pose d’un nouveau poteau, alors que l’ouvrage initial supporte non seulement une ligne électrique desservant plusieurs usagers, mais aussi un point d’éclairage public et le réseau de télécommunications ; que les allégations de M.D…, selon lesquelles il ne serait pas nécessaire de remplacer le poteau en question, si la portance du dispositif voisin était accrue, ne sont pas étayées par des éléments suffisamment probants pour démontrer que la solution de remplacement mentionnée par Enedis ne serait en réalité pas nécessaire ; que, dans ces conditions, c’est à juste titre que les premiers juges ont refusé d’enjoindre à la société Enedis de déplacer ou de supprimer l’ouvrage irrégulier, eu égard au caractère limité des inconvénients inhérents à la présence de l’ouvrage et à l’atteinte à l’intérêt général que représenterait sa suppression ».
Notons que ce refus d’imposer le déplacement de l’ouvrage public ne préjuge pas de la possibilité, pour le propriétaire, d’obtenir une indemnisation pour l’emprise irrégulière ; néanmoins, celle-ci relevant du juge judiciaire, la cour administrative d’appel ne s’est pas prononcée sur ce point.