Caractérisation de la charge excessive représentée par la communication de documents administratifs
Dans un récent arrêt, le Conseil d’État a rappelé que, « lorsque l’administration fait valoir que la communication des documents sollicités, en raison notamment des opérations matérielles qu’elle impliquerait, ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il revient au juge de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l’intérêt qui s’attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public »[1].
En l’espèce, une association avait sollicité auprès du Ministère de l’intérieur « la publication en ligne des fichiers correspondant aux délibérations budgétaires des collectivités territoriales et de leurs groupement, réalisés avec l’application « TotEM » et versés dans l’application « Actes Budgétaires » ». Le Conseil d’État a établi que « les fichiers dont la publication était demandée contiennent des données se rapportant à des personnes physiques identifiées ou identifiables, donc des données à caractère personnel, et doivent faire l’objet d’une anonymisation préalablement à cette publication ».
Or, ces documents « représentent plusieurs centaines de milliers de fichiers qui peuvent contenir des données à caractère personnel » et « l’anonymisation manuelle de ces documents ferait, à l’évidence, peser une charge disproportionnée sur l’administration saisie au regard des moyens dont elle dispose ».
En l’occurrence, les services du Ministère ne disposaient pas « d’un outil informatique permettant de procéder de façon satisfaisante à l’anonymisation des données personnelles de manière automatisée ». Et, « si l’association requérante fait valoir que l’anonymisation des documents pourrait être réalisée à l’aide d’un logiciel libre qu’elle a proposé au ministère d’utiliser, lequel permettrait de supprimer l’ensemble des champs susceptibles de contenir normalement des données à caractère personnel, […] les dispositions du code des relations entre le public et l’administration ne font pas obligation aux services du ministère d’y recourir, non plus qu’elles ne lui imposent de développer un outil informatique pour satisfaire la demande dont il est saisi, alors même qu’il disposerait des ressources financières et humaines permettant de réaliser ce développement ».
En complément, dans un jugement récent faisant application de cette jurisprudence, le TA de Grenoble a considéré que constitue une charge excessive pour l’administration la communication de pièces relatives à l’exécution financière d’un « marché comportent plus de 231 pages », la transmission de ces documents Impliquant « un travail d’occultation conséquent compte tenu de la nécessité de protéger le secret des affaires, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles de l’attributaire », tandis que la commune ne dispose « d’agents administratifs qu’à hauteur de 4,5 équivalents temps plein » et que le requérant « ne justifie pas de l’intérêt qui s’attacherait pour lui à la communication de la totalité des documents relatifs à l’exécution financière du marché, en se bornant à faire état de certaines anomalies dans la réalisation technique des travaux ».
[1] Même formulation que : CE, 10ème-9ème ch., 17 mars 2022, n°449620