Décret droit de préemption pour la protection des ressources en eau

Un premier projet de décret avait été préparé et soumis consultation publique au cours de l’été 2020. Toutefois, le projet de décret issu de cette consultation avait été rejeté par le Conseil d’état qui avait détecté une insécurité juridique dans la loi elle-même faute de garantir la poursuite de l’objectif de préservation des ressources en eau en cas de revente ultérieure d’un bien préempté.

La loi « 3DS » du 21 février 2022 a remédié à cette faille en imposant le recours systématique d’une Obligation Réelle Environnementale (ORE) préalable à toute revente du bien préempté. Elle a également étendu le bénéfice de ce droit de préemption aux syndicats mixtes et introduit la possibilité de déléguer ce droit aux établissements publics locaux (régies personnalisées).

Un nouveau projet de décret tenant compte des modifications législatives précitées est donc soumis à la consultation publique jusqu’au 11 juillet 2022.

La consultation publique est en ligne ici. (N’hésitez pas à manifester votre soutien à ce texte)

Téléchargez le nouvelle version du projet de décret ici.

CADRE GÉNÉRAL DU DROIT DE PRÉEMPTION

Modifications apportées par la loi « 3DS » :

L’article L.218-1 du Code de l’urbanisme précise que ce droit de préemption peut être instauré au bénéfice des communes, groupements de communes ou syndicats mixtes compétents pour contribuer à la préservation de la ressource en eau en application de l’article L. 2224-7 du CGCT.

L’article L.218-3 du Code de l’urbanisme confirme que ce droit de préemption, une fois instauré par le préfet, peut être délégué à un établissement public local mentionné à l’article L. 2221-10 du code général des collectivités territoriales.

Le projet de décret prévoit les dispositions d’application des articles L.218-1 à L.218-14 du code de l’urbanisme. Il se divise en plusieurs parties :

1) Les modalités d’instauration du droit de préemption

  • avant de pouvoir demander au préfet de département l’instauration du droit de préemption, la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte, qui assure tout ou partie du prélèvement d’eau destinée à la consommation humaine, doit délibérer la prise en charge de la mission de contribution à la gestion et la préservation de la ressource en eau (cf. article dédié à la mission de contribution à la gestion et la préservation de la ressource en eau)
  • Avant de pouvoir faire usage de ce droit de préemption, la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent doit en demander l’instauration au préfet de département. Cette demande doit être motivée.
  • Après institution du droit de préemption par le préfet, le titulaire du droit de préemption peut en déléguer l’usage à un établissement publique local.

2) L’usage du droit de préemption

  • une fois le droit de préemption instauré sur le périmètre demandé (tout ou partie de l’AAC), la commune, le groupement de communes ou le syndicat mixte compétent titulaire du droit de préemption peut en faire usage lorsque un terrain agricole est mis en vente dans ce périmètre.

3) L’usage du bien acquis

  • Si la commune, le groupement de communes, le syndicat mixte ou le délégataire (établissement public local) a acquis un bien agricole en faisant usage de ce droit de préemption, le projet de décret précise ses modalités d’usage.

 

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU NOUVEAU PROJET DE DÉCRET

1) La procédure d’instauration du droit de préemption (R.218-1 à R.218-8)

La demande doit être motivée, argumentée, et accompagnée de documents justificatifs, tels que la délibération de l’organe délibérant, le plan présentant le périmètre (tout ou partie de l’AAC) sur lequel est sollicité l’instauration du droit de préemption, l’étude hydrogéologique relative à l’AAC, une note présentant le contexte territorial et les actions déjà mises en oeuvre pour préserver la ressource en eau, un argumentaire des motifs qui conduisent à faire cette demande.

Le préfet peut inviter le demandeur à compléter son dossier ou préciser certains éléments. Cela suspend le délai dans lequel le préfet doit donner sa réponse.

La demande est transmise, sous 15 jours à compter de la réception du dossier complet, aux acteurs agricoles et autres collectivités du territoire concernés pour avis (avis simple – le préfet n’est pas tenu de respecter ces avis).

Le préfet doit donner une réponse dans un délai de 6 mois à compter de la réception du dossier complet. En cas de validation de la demande, un arrêté préfectoral précise l’institution du droit de préemption. Il fait l’objet d’une publicité.

Le texte prévoit un rejet implicite en cas d’absence de réponse dans un délai de 6 mois. Toutefois, le projet de décret prévoit que toute décision de rejet doit être motivée.

Si le titulaire du droit de préemption souhaite le déléguer à un établissement public local, il en informe le préfet. Cette information doit également faire l’objet d’une publicité.

2) L’usage du droit de préemption (R.218-9 à R.218-18)

En cas de déclaration d’intention d’aliéner (formalité imposée à tout propriétaire qui souhaite vendre un bien immobilier situé sur une zone de préemption), pour les biens soumis au droit de préemption (Cf. article R. 143-3 du code rural et de la pêche maritime), le propriétaire ou le notaire est tenu d’en informer le titulaire du droit de préemption par LRAR.

Le titulaire du droit de préemption dispose d’un délai de 2 mois pour notifier sa décision de préempter le bien au notaire par LRAR, acte d’huissier, dépôt contre décharge ou voie électronique.

Pendant ce délai, il peut demander les informations ou documents complémentaires prévus à l’article R218-12 du présent projet de décret, afin d’étudier l’opportunité de préempter tout ou partie d’un bien. Cette demande suspend le délai jusqu’à la réception des pièces demandées.

En revanche, dès lors que le titulaire du droit de préemption envisage d’acquérir un bien par préemption, il doit transmettre une copie de la déclaration d’intention d’aliéner au directeur départemental (ou régional) des finances publiques. Si le prix du bien excède le montant fixé par le service des domaines, cette transmission vaut demande d’avis. Le directeur départemental (ou régional) des finances publiques dispose d’un délai de 30 jours pour rendre son avis.

Une préemption d’une partie des biens mis en vente est possible sous réserve d’accord du vendeur, qui peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble de l’unité foncière.

[Les modalités de préemption des bien vendus par adjudication sont précisées par les articles R.218-13 et R.218-14 du présent projet de décret.]

3) L’usage du bien acquis dans le cadre du droit de préemption (R.218-19 à R.218-21)

Ce bien ne peut être utilisé « qu’en vue d’une exploitation agricole » (conformément à l’article L.218-13 du code de l’urbanisme).

Il existe 3 possibilités d’usage du bien acquis :

  • Une mise à bail qui doit faire l’objet d’un appel à candidatures,
  • Une cession (revente) qui doit également faire l’objet d’un appel à candidatures,
    [En cas de cession, conformément à l’article L.218-13 du code de l’urbanisme, l’acquéreur doit consentir à la signature d’une Obligation réelle environnementale (définie par l’article L. 132-3 du code de l’environnement) prévoyant les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau pour une durée de 1 à 99 ans.]
  • Une mise à disposition à la Safer dans le cadre d’une convention complétée d’un cahier des charges énonçant les clauses environnementales nécessaire à la préservation de la ressource en eau.

Le titulaire du droit de préemption ou son délégataire doit tenir un registre recensant les cessions, locations et mises à disposition réalisées dans le cadre de l’usage de ce droit de préemption.

Revenir en haut de page