Défense extérieure contre l’incendie et urbanisme

Les PEI répondant exclusivement aux besoins d’un lotissement sont des équipements propres

Lorsque des points d’eau incendie (PEI) sont nécessaires pour assurer la défense extérieure contre l’incendie (DECI) d’un projet soumis à autorisation d’urbanisme, et que ces équipements bénéficient exclusivement aux futurs usagers et habitants de la construction ou de l’aménagement projeté, alors ces PEI sont à la charge du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et devront être entretenus, par la suite :

  • Par le propriétaire de l’immeuble ainsi défendu;
  • Par la copropriété dans le cas d’un immeuble ou d’un groupe d’immeubles divisé en lots, les PEI ayant alors le statut d’équipements communs;
  • Par l’association syndicale des colotis dans le cas d’un lotissement.

En effet, conformément à la loi, « l’autorité qui délivre l’autorisation de construire, d’aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l’équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l’alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l’évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l’éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés » (C. urb., art. L.332-15).

Cette liste n’a pas vocation à être exhaustive et on peut évidemment y ajouter les points d’eau incendie, qu’il s’agisse d’hydrants ou de points d’eau naturels ou artificiels (PENA). Toutefois, dans ce cas, les prescriptions à imposer aux bénéficiaires de l’autorisation d’urbanisme doivent être motivées par un risque d’atteinte à la sécurité publique, sur le fondement de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».

La jurisprudence a précisé qu’avant de refuser un permis de construire pour des motifs de sécurité publique, le maire doit tout d’abord s’assurer que ce risque peut être neutralisé au moyen de telles prescriptions, sans que celles-ci n’aboutissent à modifier substantiellement le projet. Rappelons-le, le règlement départemental de DECI (RDDECI) n’étant pas opposable aux demandes d’autorisations d’urbanisme[1], la base réglementaire pour motiver ces prescriptions est donc l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. En outre, le risque d’atteinte à la sécurité publique doit être démontré au moyen d’éléments concrets (prise en compte de la distance du PEI le plus proche, avis défavorable du SDIS, état des lieux et diagnostic dressé dans le schéma communal ou intercommunal de DECI…). Et, si la création d’un PEI n’est pas envisageable pour des raisons techniques (manque d’espace foncier ou, concernant les hydrants, risque de remettre en cause la qualité de l’eau distribuée ou le fonctionnement normal du réseau de distribution d’eau potable[2], …), le permis de construire ou d’aménager devra être refusé.

S’agissant du cas particulier des lotissements, la jurisprudence a confirmé à diverses reprises que des PEI peuvent être considérés comme un équipement propre à de tels ensembles immobiliers, sous réserve qu’ils répondent exclusivement aux besoin du projet d’aménagement en matière de défense extérieure contre l’incendie[3]. Par exemple, correspond à la réalisation d’équipements propres « l’implantation de huit poteaux incendie alimentés par le réseau d’eau potable du domaine [qui] a été imposée par le service départemental d’incendie et de secours dans le cadre des aménagements du lotissement, à proximité des habitations qui le composent, et n’est pas susceptible de bénéficier aux constructions avoisinantes […] situées à une centaine de mètres de dénivelé en amont du domaine de Pierrelongue, dont elles sont séparées par des barres rocheuses »[4].

Au moins une juridiction administrative a adopté un positionnement plus souple que les autres en estimant qu’un PEI répondant principalement aux besoins d’un projet d’urbanisme peut être qualifié d’équipement propre : « la circonstance qu’il peut aussi être utilisé pour la lutte contre l’incendie de deux autres constructions sur un terrain voisin ne lui retire pas le caractère d’équipement propre au lotissement, dès lors que cet ouvrage est indispensable à la sécurité des quatre constructions du lotissement et qu’il n’est pas établi que le poteau en cause soit principalement destiné à ces deux autres constructions »[5].

Cependant, cet arrêt entre en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’État, selon lequel : « seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d’un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres […], leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l’autorisation. Il en va de même pour les équipements que la collectivité publique prévoit, notamment dans le document d’urbanisme, d’affecter à des besoins excédant ceux du projet de construction »[6]. Selon le Conseil d’État, sont uniquement considérés comme des équipements propres ceux qui répondent exclusivement, et non principalement, aux besoins d’un projet de construction.

Rappelons enfin qu’un PEI initialement privé pourrait, au fur et à mesure que les alentours de l’immeuble ou ensemble immobilier qu’il protège se sont urbanisées, représenter un intérêt pour la défense extérieure contre l’incendie d’autres immeubles ou ensembles immobiliers. Dans ce cas, si la personne physique ou morale qui en est propriétaire y consent, il peut être mis à disposition du service public de DECI dans le cadre d’un accord formalisé par convention, comme le permet expressément la réglementation[7]. Cette convention devra notamment prévoir la répartition des frais d’entretien et les conditions d’accès au PEI.

[1] A ce propos, lire l’article « Prise en compte de la DECI dans les autorisations d’urbanisme », Lettre d’actualités n°66 d’octobre 2022 ; Cependant, un tribunal administratif a pu considérer que le contenu du RDDECI peut être pris en compte pour déterminer les moyens nécessaires pour assurer la DECI d’un projet d’urbanisme : « les préconisations de ce référentiel national et du RDDECI relèvent d’une législation distincte du droit de l’urbanisme et, à ce titre, ne sont pas directement opposables aux autorisations d’urbanisme. Elles peuvent néanmoins être prises en compte à titre d’élément d’appréciation des moyens nécessaires pour assurer la défense contre l’incendie » (TA Nice, 4ème ch., 16 nov. 2022, n°1905123).

[2] La réglementation précise bien que « les ouvrages, travaux et aménagements dont la réalisation est demandée en application de l’article L. 2225-3 [du CGCT] pour la défense extérieure contre l’incendie à la personne publique ou privée responsable du réseau d’eau y concourant ne doivent pas nuire au fonctionnement du réseau en régime normal, ni altérer la qualité sanitaire de l’eau distribuée en vue de la consommation humaine » (CGCT, art. R.2225-8, I).

[3] CAA Toulouse, 1ère ch., 21 juill. 2022, n°19TL01099 ; CAA Nantes, 2ème ch., 11 oct. 2005, n°03NT01568

[4] TA Marseille, 1ère ch., 2 mars 2023, n°2007460

[5] CAA Douai, 1ère ch., 2 avril 2020, n°18DA01553

[6] CE, 5ème-6ème ch., 30 déc. 2021, n°438832

[7] CGCT, art. R.2225-7, III

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