Rejets de substances dangereuses dans l’eau par les ICPE
Un arrêté modifie les arrêtés relatifs à de nombreux types d’installations classées pour la protection de l’environnement en ce qui concerne leurs rejets dans les eaux, afin de prendre en compte les exigences européennes formulées dans la Directive 2000/60/CE (intégration des substances dangereuses et révision des valeurs limites d’émission) et ses directives filles, et les enseignements de la deuxième campagne de recherche et de réduction des rejets de substances dangereuses dans l’eau (RSDE 2).
L’arrêté est entré en vigueur au 1er janvier 2018, mais :
- pour les installations existantes (ou dossier d’autorisation déposé avant le 1er janvier 2018) les dispositions autres que celles relatives à la surveillance des émissions introduites par l’arrêté entrent en vigueur au 1er janvier 2020.
- en ce qui concerne les substances dangereuses visées par la directive 2013/39/UE les dispositions autres que celles relatives à leur surveillance entrent en vigueur au 1er janvier 2023.
En outre, le préfet peut, après avis du CODERST, aménager les prescriptions pour les installations existantes, si cela est justifié par des circonstances locales, sans pouvoir fixer de limite d’émission supérieure à celle précédemment applicable (à moins de consulter le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques).
La FNCCR a consulté ses adhérents sur ce projet d’arrêté au mois de mai 2017, sur la base de propositions complémentaires visant à conforter le poids des prescriptions figurant dans les arrêtés d’autorisation de rejet établies par le service assainissement lorsque ces installations sont raccordées sur le réseau collectif. Force est de constater que ces propositions n’ont pas été retenues, justifiant de ce fait une vigilance des services vis-à-vis des émissions polluantes de ces installations dans les réseaux.
Dans un guide de janvier 2018, le ministère de l’Environnement précise les modalités d’application de l’arrêté ministériel « RSDE » du 24 août 2017, afin d’apporter des clarifications dans sa mise en œuvre.
Y sont notamment détaillées les règles permettant de déterminer si un site est concerné par les nouvelles substances introduites par l’arrêté RSDE, l’articulation entre les valeurs limites d’émission (VLE) introduites par l’arrêté ministériel RSDE et les VLE prescrites dans les arrêtés préfectoraux, ou encore, la procédure à suivre afin d’obtenir un aménagement des mesures prévues dans l’arrêté RSDE.
Ce texte, comme le guide qui l’accompagne, constituent de réels outils pour les services d’assainissement dans l’identification des contraintes qualitatives qu’ils peuvent imposer aux ICPE situées sur leur territoire, dans le cadre de l’autorisation de déversement, lorsque leurs eaux usées non domestiques aboutissent en réseau public.
Déversement d’eaux usées non domestiques dans le réseau de collecte
En l’absence d’autorisation, le déversement d’eaux usées non domestiques dans le réseau constitue un délit, puni d’une amende de 10 000€, qui à la différence des amendes « administratives » doit être prononcé par le juge (article L1337-2 du code de la santé publique).
La cour de cassation a eu, en novembre 2016, à se prononcer sur la qualification d’un déversement de matières extraites d’installations d’ANC par une entreprise de vidange. La question se posait de déterminer si les matières déversées étaient considérées comme des eaux usées domestiques ou assimilées (car d’origine exclusivement humaine) ou non domestiques (car leur charge en DBO5 n’est plus du tout celle d’eaux usées domestiques). Cette question avait son importance car le fait de qualifier les matières déversées d’eaux usées non domestiques entrainait l’application de l’article L1337-2 du CSP (amende jusqu’à 10 000€), alors que s’il s’agit d’eaux usées domestiques ou assimilées, s’appliquerait l’article R635-8 du code pénal qui punit le déversement de liquides insalubres transportés par un véhicule d’une amende de 1 500€ maximum hors récidive (amende prévue pour les contraventions de 5ème classe).
La cour écarte la qualification d’eaux usées domestiques en validant la décision de la cour d’appel, selon laquelle « l’eau usée domestique, définie à l’article R. 214-5 du code de l’environnement, supposait une eau usée dont la charge brute de pollution organique était inférieure ou égale à 1, 2 kilogramme de DB05 (demande biochimique en oxygène pour le processus de dégradation), alors qu’en l’espèce, les eaux usées, qui avaient stagné plusieurs mois dans des fosses septiques, étaient un concentré de produits, certes d’origine exclusivement humaine mais s’apparentant à des boues, suite au pré-traitement dans la fosse septique, ayant perdu leur caractère d’eaux usées domestiques ; que d’ailleurs, ces effluents ne pouvaient être traités en l’état par une station d’épuration et devaient préalablement subir un pré-traitement destiné à les diluer, puisque leur concentration était 5 à 20 fois plus élevée que celle des eaux usées fraîches ». Le délit de déversement d’eaux usées non domestiques dans le réseau est donc caractérisé.
En outre ce jugement conforte les dispositions des règlements de services d’assainissement interdisant ces pratiques (évacuation des matières de vidange dans les collecteurs d’eaux usées) sur la base d’une assimilation des matières de vidange à des boues.