Fourniture de secours et de dernier recours

La loi n° 2019-1147 relative à l’énergie-climat du 8 novembre 2019 a ainsi créé un dispositif permettant aux consommateurs domestiques (i.e. résidentiels), qui ne trouveraient aucune offre sur le marché du gaz naturel, dans la perspective de la fin des tarifs réglementés de vente (TRV), le 1er juillet 2023, de pouvoir souscrire à une offre de fourniture : la fourniture de dernier recours. Dans le secteur de l’électricité, cette fourniture spécifique n’a pas été créée car les fournisseurs proposant des offres aux TRV sont considérés comme assurant cette mission (donc cette mission s’inscrit dans le cadre du service public local de fourniture d’électricité, exercé sous le contrôle des AODE). En parallèle, la loi susvisée a créé un autre dispositif de fourniture spécifique dans le secteur du gaz naturel et a adapté le dispositif existant dans le secteur de l’électricité : la fourniture de secours. Cette fourniture est destinée à pallier les défaillances des fournisseurs et ainsi à permettre de préserver une continuité d’alimentation pour les clients desservis par ces fournisseurs appelés à cesser leur activité, de façon permanente ou temporaire (cf. défaillance, retrait ou suspension de l’autorisation de fourniture).

Un décret du 11 mars relatif à la fourniture d’électricité et de gaz naturel est venu préciser les conditions et modalités d’application de ces fournitures spécifiques (dont les modalités de désignation des fournisseurs de secours et de dernier recours). Ce texte procède en outre a quelques autres modifications ou adaptations concernant la fourniture d’électricité et de gaz.

Fourniture de secours (FDS) en électricité et en gaz naturel

Les articles 15 et 31 du décret précisent les modalités de désignation et de recours aux fournisseurs de secours en électricité et en gaz naturel. Il est prévu que les fournisseurs seront désignés après un appel à candidatures, organisé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), sous l’égide du ministère en charge de l’Energie. Le décret détaille le contenu du cahier des charges de l’appel à candidatures (conditions techniques d’exécution du contrat de FDS, segments de clientèle et zones de desserte concernés, critères d’appréciation des candidats, niveau maximal de la majoration que le fournisseur peut prévoir pour la FDS en complément de son offre de marché, …) et fixe le niveau de la part de marché au-delà de laquelle un fournisseur est tenu de candidater à 10% en nombre de sites par zone de desserte. Dans l’hypothèse où aucun fournisseur n’atteindrait ce seuil sur une zone de desserte considérée, ce seuil serait abaissé à 5%.

Les fournisseurs de secours seront désignés par le ministre (publication d’un arrêté) par zone de desserte et par segment de clientèle pour une période de cinq ans. La CRE publiera sur son site internet la liste des candidats retenus ainsi qu’une version non confidentielle du rapport de synthèse sur l’analyse des candidatures. La durée maximale de majoration couvrant les coûts additionnels de la FDS est, quant à elle, fixée à un an.

En cas de retrait ou de suspension d’une autorisation de fourniture, le ministre notifiera au fournisseur de secours concerné la date de retrait ou de suspension, à laquelle la FDS deviendra effective. Le fournisseur de secours se substituera alors au fournisseur défaillant dans ses relations avec ses clients et avec les gestionnaires de réseaux, à compter de la date de retrait ou de suspension de l’autorisation du fournisseur défaillant. Les gestionnaires de réseau seront tenus de transmettre sans délai les données nécessaires au changement de fournisseur (la liste des données est établie par la CRE). Et, au plus tard dans les quinze jours suivant la défaillance du fournisseur, le FDS devra adresser, sur un support durable, un contrat de FDS aux clients qu’il est chargé d’alimenter, « précisant explicitement le montant et la durée de la majoration de la fourniture de secours. » Les clients domestiques (i.e. résidentiels) disposeront de la faculté de résilier sans pénalité et à tout moment le contrat en question, avec un préavis de quinze jours et une limite dans le temps d’un an (pendant la période de majoration), s’agissant des clients non domestiques.

En outre, les clients concernés disposeront de la possibilité de refuser un contrat de FDS et pourront opter pour un fournisseur de leur choix (la FDS doit dans ce cas de figure être maintenue en attendant l’entrée en vigueur du nouveau contrat). En cas de suspension d’autorisation de fourniture, le fournisseur de secours sera tenu d’informer les clients de la fin de la FDS et de leur date de retour chez leur fournisseur d’origine (au moins quinze jours avant la fin de la suspension de l’autorisation).

Enfin, des modalités de prise en compte des clients bénéficiaires d’un chèque énergie sont également prévues avec une activation des droits sans délai par le FDS, en cas d’affectation « automatisée » d’un chèque énergie sur un contrat.

Fourniture de dernier recours (FRD) en gaz naturel

Les modalités de désignation du fournisseur de dernier recours – procédure et critères définissant les fournisseurs obligés de candidater – sont similaires à celles prévalant s’agissant de la désignation des fournisseurs de secours. Elles sont précisées par l’article 30 du décret. Un fournisseur de dernier recours sera désigné par zone de desserte également pour une période de cinq ans par arrêté publié par le ministre en charge de l’Energie. En revanche la majoration couvrant les coûts additionnels n’est pas limitée dans le temps (celle afférente à la FDS est limitée à un an). Le FDR devra par ailleurs indiquer sur son site internet qu’il est mandaté pour assurer cette mission mais il ne pourra en aucun cas utiliser cette mention pour des actions à caractère promotionnel (cf. « La nomination comme fournisseur de dernier recours, ou les contrats de fourniture de dernier recours ne peuvent faire l’objet d’aucune communication ou action à caractère promotionnel, visant à inciter à la souscription de ce type de contrat » cf. article R. 443-25).

L’article précité précise les modalités de souscription à la FDR, d’information des clients et de renouvellement de cette offre. Pour demander une telle offre, le client (qui en l’occurrence ne peut être qu’un client domestique) devra déclarer sur l’honneur à l’écrit ou à l’oral qu’il n’est pas parvenu à souscrire de contrat de fourniture de gaz naturel en offre de marché. Une information concernant la majoration tarifaire portée sur les factures des clients concernés est prévue (précision par arrêté), et, par ailleurs, au plus tard deux mois avant chaque anniversaire du contrat et avant l’échéance du contrat, le FDR devra adresser au client un courrier lui rappelant les spécificités du contrat de FDR, dont la majoration, ainsi que les modalités de sortie de ce contrat. En l’absence de réaction de sa part, le contrat sera reconduit, ou le cas échéant, transféré à un nouveau FDR (à signaler : si un nouveau FDR est désigné, les contrats de FRD en cours seront maintenus jusqu’à leur échéance). Il convient en outre de préciser que le consommateur disposera de la faculté de résilier son contrat de FDR sans frais et à tout moment, sans qu’il y ait lieu à indemnité à la charge de l’une ou l’autre des parties.

Enfin, le décret prévoit une transmission annuelle par les FDR (avant le 1er mars pour l’année précédente) au ministre en charge de l’Energie, à la CRE et au Médiateur national de l’énergie du « nombre de contrats de dernier recours actifs en situation d’impayés et le volume de ces impayés, ainsi que la répartition géographique, par département, des contrats de dernier recours ». Par ailleurs, il est également prévu que les FDR transmettent à la demande des AODE, exerçant des missions de conciliation en vue du règlement des différends relatifs à la fourniture de dernier recours, le nombre de contrats de dernier recours actifs dans le département qui les concerne (cf. article R.443-27 du Code de l’énergie modifié à la suite de l’examen du projet de décret par le CSE, sur proposition de la FNCCR).

Il convient de signaler que cette fourniture spécifique, la FDR, à la différence de la FDS a une vocation clairement sociale. La « cible » principale de cette fourniture devrait être pour l’essentiel constituée de clients en difficulté de paiement, qui ne trouveront plus aucun fournisseur sur le marché disposé à leur permettre de souscrire une offre. Aux motifs habituels rencontrés dans le cadre de litiges avec les fournisseurs, devraient se greffer des problèmes spécifiques à ce type de fourniture (refus de souscription de contrat de la part d’un fournisseur, impayés des factures, problème de prise en compte du chèque énergie, prise en compte d’aides diverses, …). Un rôle d’intermédiation de l’AODE avec les services sociaux communaux et/ou départementaux sera donc déterminant.

Autres dispositions du décret du 11 mars concernant la fourniture d’électricité et de gaz

S’agissant des autorisations de fourniture électricité et de gaz, le décret prévoit un renforcement des obligations en matière de déclaration des fournisseurs (capacités techniques, garanties financières, historique d’éventuelles décisions de retrait ou de suspension de fourniture ou autres sanctions, etc.) avec notamment une indication à fournir concernant les moyens de commercialisation des offres (cf. « moyens mis en œuvre pour assurer la bonne gestion de la clientèle, y compris par ses sous-traitants. Il décrit notamment les moyens d’acquisition des clients et de gestion des réclamations. »). Cette évolution vise, sans conteste, à éviter que les fournisseurs, pris en faute s’agissant de leurs pratiques commerciales abusives, ne continuent de se défausser sur les sociétés qui commercialisent des offres pour leur compte (cf. pratiques de démarchage téléphonique et à domicile sanctionnées au cours de ces dernières années, en justice ou par les services de la DGCCRF).

Le décret précise, par ailleurs, les modalités d’instruction et d’octroi ou de refus des autorisations. Il introduit en particulier les modalités selon lesquelles la CRE peut être saisie pour avis ou se saisir d’un dossier. Il fixe certains motifs de rejet d’une demande d’autorisation (insuffisance des capacités financières, impayés en cours des tarifs d’utilisation des réseaux, …). Sont en outre notamment précisées, les modalités de retrait ou de suspension d’une autorisation de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, les obligations pesant sur les fournisseurs cessant d’assurer leur activité ou se retrouvant en procédure collective. Enfin, si la version initiale du décret prévoyait des dispositions ambitieuses concernant les critères d’installation des pétitionnaires justifiées par l’administration par la volonté d’écarter « la possibilité d’autoriser des entreprises “coquilles vides“, dont les sociétés mères installées dans d’autres Etats piloteraient l’activité, et pour lesquelles il serait difficile de rechercher les responsabilités » (cf. « les moyens financiers, humains, et matériels du pétitionnaire doivent être installés sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne ou, dans le cadre d’accords internationaux, sur le territoire d’un autre Etat »), dans sa version définitive, l’article 10 prévoit désormais ceci : « Les moyens humains et matériels mis en œuvre par le pétitionnaire pour assurer l’approvisionnement de ses clients en électricité sont installés sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou à tout autre accord d’effet équivalent ou à tout autre accord prévoyant la fourniture d’énergie. » cf. article R.333-8-1 du Code de l’énergie (et article R.443-2-1 concernant les autorisations de fourniture de gaz naturel).

Des précisions sont en outre apportées par les articles 11 à 13 du décret concernant l’information à transmettre aux consommateurs s’agissant de l’origine de l’électricité fournie (information sur la provenance des garanties d’origine, mix énergétique détaillé par offre de fourniture et non plus par rapport à l’offre globale du fournisseur, …). Enfin, le décret prévoit une information à porter sur les factures d’électricité concernant les moyens de consulter le comparateur d’offres du MNE (article 14), ainsi qu’une suppression de l’annualité de l’arrêté « plafond/ratio » encadrant les TRV de l’électricité (cf. article 17 du décret modifiant l’article R.337-20-1).

Référence : décret n° 2021-273 du 11 mars 2021 relatif à la fourniture de gaz naturel et d’électricité, JO du 13 mars 2021.

Note FNCCR/SGS 160321 – Energie : fourniture de dernier recours et de secours – décret du 11 mars 2021

SGS/VL

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