ICPE et déchets – La définition jurisprudentielle du déchet se précise

Par une décision en date du 24 novembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé les critères de définition d’un déchet en matière de police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

En l’espèce, une société qui exerce une activité d’achat et de vente en gros de pneus neufs et d’occasion avait contesté un arrêté préfectoral l’ayant mis en demeure de régulariser sa situation en déposant une déclaration au titre de la rubrique n° 2714 de la nomenclature des ICPE (qui visait, dans sa rédaction en vigueur à la date de l’arrêté, les « Installations de transit, regroupement ou tri » de différents types de déchets non dangereux, comme le caoutchouc).

La société fondait sa contestation sur le fait que les pneus usagés stockés étaient « dans un état assurant de façon certaine leur réutilisation dans l’usage initial, sans transformation ou réhabilitation préalable, et qu’ils auraient ainsi perdu la qualité de déchets ».

Le tribunal administratif (TA) de Dijon a, par un jugement du 10 juillet 2017, rejeté la demande de la société tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral. Par un arrêt rendu le 22 octobre 2019, la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon a annulé ce jugement et partant l’arrêté préfectoral, considérant que les pneumatiques ne pouvaient pas être regardés comme des déchets s’ils n’avaient pas été recherchés comme tels dans le processus de production dont ils sont issus.

La ministre de la transition écologique et solidaire a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon. L’enjeu du pourvoi était alors de déterminer la qualité de déchets des pneumatiques utilisés par cette société, dont la conséquence serait de faire entrer cette activité dans la nomenclature ICPE soumettant l’activité de stockage des déchets de pneumatiques au régime de la déclaration et imposerait donc à la société d’obtenir donc un agrément pour la collecte de déchets pneumatiques en application de l’article R. 543-145 du Code de l’environnement.

Dans ses conclusions, le rapporteur public a souligné l’évolution du droit positif s’agissant du critère tiré du processus de production désormais abandonné.

Suivant les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’Etat considère que : « En estimant, pour annuler l’arrêté litigieux, que des pneumatiques ne pouvaient pas être regardés comme des déchets s’ils n’avaient pas été recherchés comme tels dans le processus de production dont ils sont issus, alors que l’article L.541-1-1 précité du code de l’environnement se borne à définir le déchet comme un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, la cour a entaché sa décision d’une erreur de droit ».

Il en résulte que la volonté de se défaire du bien est centrale dans la qualification de déchet, et ce même s’il est destiné à être vendu.

Le Conseil d’Etat précise par ailleurs que la circonstance que ces biens aient une valeur commerciale et soient susceptibles de donner lieu à une réutilisation économique ne saurait permettre de remettre en cause leur qualité de déchets, la réutilisation devant être certaine : « 9. Il ne résulte pas de l’instruction que les pneus stockés par la société A. aient fait l’objet de la certification prévue à l’article R. 543-164 du code de l’environnement avant de lui être cédés, ni que cette société dispose de l’agrément nécessaire pour y procéder par elle-même. Dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les pneus usagés qu’elle stocke seraient dans un état assurant de façon certaine leur réutilisation dans l’usage initial, sans transformation ou réhabilitation préalable, et qu’ils auraient ainsi perdu la qualité de déchets. »

Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que les pneus usagés sont des déchets pneumatiques et qu’ainsi, l’activité de stockage de ces pneus en l’espèce est soumise à la règlementation ICPE (rubrique 2714) et à l’agrément prévu à l’article R. 543-145 du Code de l’environnement.

Par cette décision, le Conseil d’Etat fait ainsi concorder la définition jurisprudentielle du déchet avec son évolution dans la règlementation.

 

Conseil d’Etat, 24 novembre 2021, n°437105

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