L’équation impossible des services d’eau et d’assainissement dans le contexte de sobriété
Alors que la ressource en eau est désormais sous tension, notamment sous l’effet du changement climatique, les Français se déclarent de plus en plus préoccupés par le risque de pénurie et témoignent d’inquiétudes autour de la qualité de l’eau. Dans ce contexte de prise de conscience collective, les élus font part de leurs préoccupations : avec un retard d’investissements de 15 milliards d’euros par an à rattraper sur cinq ans, liés à la modernisation des réseaux et des infrastructures, la France doit accélérer pour adapter ses services d’eau au changement climatique. Et l’évolution de la réglementation relative à la qualité de l’eau potable et au traitement des eaux usées pourrait faire doubler les investissements nécessaires.
Or, le mode de financement des services n’est plus adapté à cette nouvelle donne. Les services d’eau et d’assainissement reposent sur une économie de coûts fixes qui sont de l’ordre de 80 à 90 %. À l’inverse, les recettes des services sont assises, à plus de 80 %, sur des éléments variables : les volumes d’eau consommés.
Si l’objectif de sobriété en eau est largement soutenu par l’ensemble des acteurs, et porté par le « Plan Eau » du Président de la République, la forte baisse des volumes enregistrée depuis 2022 a engendré des pressions budgétaires pour les collectivités et les acteurs de l’eau. En 2023, la consommation nationale a diminué de 3 à 4 %, atteignant jusqu’à 10 % dans certains territoires, ce qui constitue un « tournant » pour le secteur et la manière d’appréhender la gestion et résilience de services au centre d’enjeux majeurs.
Cette tendance est considérée comme pérenne par les collectivités, qui ne cachent pas leur inquiétude : près de 9 sur 10 considèrent qu’il sera plus difficile de financer le service dans les 5 ans à venir, d’après la consultation réalisée par Intercommunalités de France. Plus d’investissements, des charges fixes structurellement élevées et moins de ressources financières, c’est l’équation impossible que doivent désormais résoudre les services d’eau et d’assainissement.
25 propositions pour réussir à concilier sobriété, équilibre économique des services et équité sociale
Appuyées sur des retours d’expériences des collectivités et des auditions d’experts et d’associations de consommateurs, ces 25 propositions visent notamment à donner aux collectivités et aux usagers le moyen de connaître les prélèvements et consommations d’eau de leur territoire pour pouvoir agir de manière adaptée [propositions 1 à 4].
Elles incitent à partager les bonnes pratiques en matière de tarification pour élargir la « boîte à outils » des collectivités : harmoniser le plafond de l’abonnement à 40 % minimum, voire expérimenter des plafonds plus élevés ; encourager la tarification saisonnière en période de tension sur la ressource ou sur les équipements ; étudier la mise en place de forfaits différenciés (résidences secondaires ou de tourisme, gros consommateurs industriels, forages privés…) pour des efforts mieux partagés ; enfin veiller à ce que les foyers modestes soient mieux accompagnés [propositions 6 à 15].
Elles recommandent de renforcer le rôle de la collectivité pour accompagner la performance en matière de sobriété [propositions 16 à 18].
Du côté des services de l’État, le soutien financier doit être orienté vers les collectivités qui s’engagent en matière de sobriété et d’investissements dans leurs services d’eau et d’assainissement [propositions 19 à 22].
Enfin, pour faire de l’usager un acteur de la gestion sobre de l’eau, il est important de communiquer sur le coût de ce service public essentiel, et que la facture mentionne un montant moyen plutôt qu’un coût unitaire, la transparence et la qualité du dialogue entre usagers permettant de viser une meilleure équité dans le partage de la ressource [propositions 23 à 25].
Pour Régis Banquet, vice-président d’Intercommunalités de France en charge de l’eau : « Si l’on veut relever le défi de la sobriété hydrique, le statu quo n’est plus possible. Changer le modèle de financement suppose d’organiser le dialogue local pour que les efforts soient partagés, mieux communiquer auprès des usagers sur la valeur ajoutée de leurs services publics, et surtout renforcer les moyens d’agir des élus et leur faire confiance pour mettre en œuvre des solutions adaptées, équitables et responsables. Des leviers existent : part fixe, forfaits différenciés, tarification saisonnière, performance en matière d’économies d’eau, lutte contre les impayés… Les élus trouveront ici des pistes de solutions à adapter à leurs enjeux locaux ».
Pour Hervé Paul, Vice-Président de la FNCCR référent « cycle de l’eau » : « L’augmentation du prix de l’eau est inéluctable, mais il faut de la transparence et une réelle maîtrise des coûts, à travers une politique d’investissement ambitieuse mais raisonnée, ainsi qu’un accompagnement social lorsqu’il est nécessaire, pour que cette hausse soit acceptable par la population. Il est également nécessaire de rééquilibrer les contributions au financement des actions de protection du grand cycle de l’eau et de la biodiversité, la FNCCR prône l’application du principe « responsable-payeur ». Enfin, il faut faire confiance aux élus locaux pour adapter leurs politiques tarifaires aux enjeux de leurs territoires, ce sont eux les plus à même de connaître les enjeux locaux, la structure de leurs populations et les défis auxquels les services d’eau sont confrontés. »
Pour Arnaud Bazire, Président de la FP2E : « La trajectoire de sobriété hydrique – vertueuse pour l’environnement – associée notamment à une augmentation des besoins liés à la transition écologique, bouleverse l’équilibre financier des services d’eau et d’assainissement. Cette préoccupation rassemble aujourd’hui tous les acteurs de l’eau, publics et privés, et témoigne de l’urgence à agir. Au travers des 25 propositions que nous présentons aujourd’hui, nous souhaitons que les collectivités disposent de plus de moyens d’action, et que les usagers puissent mieux comprendre la contribution essentielle des services d’eau et d’assainissement au plan sanitaire et environnemental ».
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A propos d’Intercommunalités de France : Intercommunalités de France est une association nationale d’élus représentant les intercommunalités auprès des pouvoirs publics nationaux. Elle accompagne ses adhérents par la mise à disposition de l’expertise de son équipe. Elle est présidée depuis 2020 par Sébastien Martin, président du Grand Chalon. L’association fédère aujourd’hui près d’un millier d’intercommunalités de toutes catégories juridiques : 17 métropoles, 205 communautés d’agglomération, 11 communautés urbaines, 10 établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, 720 communautés de communes, qui représentent près de 80% de la population française. En savoir plus : www.intercommunalites.fr.
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