Par mail du 09 avril dernier, la FNCCR vous informait de l’introduction d’un article dans le projet de Loi relatif à l’organisation et à la transformation du système le de santé, modifiant substantiellement les conditions d’instauration des périmètres de protection de certains captages d’une part et les conditions de modifications mineures des périmètres de protection ou les servitudes qui s’y greffent, d’autre part.
La Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a été publiée le 26 juillet dernier. Elle acte, en son article 61, ces deux dispositions (modification de l’article L1321-2 du code de la santé publique et introduction d’un nouvel article L1321-2-1), vous en trouverez ci-joint le détail complété des remarques de la FNCCR:
- Désormais, lorsque les conditions hydrologiques et hydrogéologiques permettent d’assurer efficacement la préservation de la qualité de l’eau par des mesures de protection limitées au voisinage immédiat du captage, l’arrêté de DUP ne fixera qu’un périmètre immédiat.
- Aucune servitude n’accompagneront l’instruction de telle DUP, à défaut de périmètre de protection rapproché ou éloigné (il n’y aura pas d’enquête parcellaire et de notification aux propriétaires des servitudes grevant leurs parcelles), les seules prescriptions ne s’appliqueront qu’au titulaire de l’arrêté préfectoral et fixeront notamment les conditions d’aménagement et d’entretien du périmètre immédiat.
- Il est en revanche plus que probable que l’étude hydrogéologique confiée à un hydrogéologue soit maintenue (la charge de la collectivité dans l’élaboration de son dossier de DUP se trouve finalement inchangée)
- Cette mesure est présentée comme une simplification administrative substantielle, elle porte sur tous les captages dont le préfet (à l’appui très probablement de l’avis de l’hydrogéologue agréé) jugera qu’il répond aux conditions hydrologiques et hydrogéologiques permettant d’assurer (à elles seules, sans prescription supplémentaires) la préservation de la qualité de l’eau.
- Elle trouvera à s’appliquer à nombre de « petits » captages aujourd’hui dépourvus de DUP (situés principalement en milieu montagneux) ; toutefois si ces derniers entrent dans le champ d’application de cette Loi (ce qui permettra aux services de l’Etat d’afficher un taux de « protection » des captages plus élevé), leur vulnérabilité à certaines sources de pollution (notamment microbiologique) est réelle et doit s’accompagner de réelles mesures de vigilance (procédures de suivi de la dégradation de la qualité de l’eau)
- Cette procédure simplifiée est étendue de façon systématique à tous les captages d’eau d’origine souterraine dont le débit exploité est inférieur, en moyenne annuelle, à 100 mètres cubes par jour. Cette disposition est instaurée indépendamment des conditions hydrologiques et hydrogéologiques présentées par ces « petits captages ». Le préfet pourra toutefois instaurer de manière « dérogatoire » des périmètres de protection rapprochée et le cas échéant de protection éloignée « lorsque les résultats d’analyses de la qualité de l’eau issue des points de prélèvement [..] ne satisfont pas aux critères de qualité fixés par [la règlementation], établissant un risque avéré de dégradation de la qualité de l’eau »
- La procédure prend en compte le débit moyen annuel, quand un arrêté fixe un débit prélevable maximum ; cette rédaction peut générer des incertitudes quant à la stabilité juridique de l’absence de périmètre de protection (c’est une source de fragilité dans le temps pour la collectivité en charge du service)
- L’application de périmètres de protection n’intervient qu’à postériori, une fois la dégradation de la qualité de l’eau constatée « les résultats ne satisfont pas… » et qu’en outre cette dégradation est jugée comme « établissant un risque avéré de dégradation », c’est-à-dire instauré dans le temps. Dans l’absolu, cette rédaction ne tient pas compte des délais (fort longs) d’établissement de tels périmètres, avant même l’enquête parcellaire citée ci-dessus. En outre, conditionner l’engagement d’une procédure au caractère « ancré » de la dégradation de la pollution sous-entend qu’en cas de pollution accidentelle ou ponctuelle, le service ne pourra qu’agir selon un principe curatif : interdiction de consommation, fourniture d’eau embouteillée aux abonnés..
- Cette disposition constitue une réelle source de vulnérabilité pour la continuité (et la qualité) du service si la collectivité n’engage pas elle-même des actions de prévention, sensibilisation et surveillance, de sa propre initiative pour préserver durablement sa ressource (sans disposer en revanche de « pouvoir » prescriptif à défaut de servitude), notamment à l’appui d’un plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau.
- La mise en oeuvre de ces deux alinéas du L1321-2 s’accompagnera d’un arrêté, la FNCCR sera attentive à sa rédaction , notamment les volets anticipation et préservation de la qualité de l’eau ; il est essentiel aujourd’hui de préserver la confiance des abonnés vis-à-vis du service public d’eau potable.
- Le texte introduit désormais une procédure d’enquête publique simplifiée lorsqu’il s’agit d’apporter des modifications « mineures » aux périmètres de protection ou aux servitudes (la procédure reste toutefois à définir dans un décret en conseil d’État). Par ailleurs, le périmètre de l’enquête se limite aux seules communes concernées par la modification.
- Tant lors du groupe de travail Captage conduit durant deux ans (2016-2018) que lors des assises, les collectivités ont porté la volonté de simplifier la procédure d’instauration des périmètres de protection. Mais force est de constater que cette nouvelle procédure ne répond que frileusement à ces demandes, en limitant son champ aux seules modifications mineures. Or l’inertie des servitudes accompagnant certaines DUP constitue aujourd’hui un frein à la protection de la ressource : impossibilité d’adapter le champ des servitudes aux pressions réelles sinon à engager une procédure d’instauration de DUP complète sous réserve en outre d’obtenir, avant lancement de la procédure, l’assentiment du préfet.
- A noter que cette procédure simplifiée ne s’applique pas à une modification du périmètre immédiat.
Malgré le portage d’amendements, la FNCCR constate que tant les députés que les sénateurs ont maintenu la rédaction de cet article dans ses termes initiaux, il est probable que ces dispositions soient par ailleurs présentées comme une réponse aux nombreuse conclusions de la seconde séquence des assises de l’eau. Elles sont de notre point de vue insuffisantes en ce qu’elles fragilisent les services dont les captages bénéficieront du seul périmètre de protection immédiat et n’encouragent pas ces derniers à adapter les mesures de protection de leurs ressources à hauteur des enjeux et de leurs évolutions. Or sans même intégrer les conséquences du changement climatique, les pressions sur la qualité de la ressource ont évolué et continuent d’évoluer de façon démesurée en comparaison des moyens et la réactivité dont disposent les services pour anticiper et préserver la qualité de l’eau.