Quand est-ce qu’un écoulement peut être qualifié de cours d’eau ?

La caractérisation d’un écoulement en tant que cours d’eau prend appui, depuis la loi biodiversité[1], sur une définition légale de la notion de cours d’eau, issue de la jurisprudence : « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales »[2].

Lorsque l’identification de ces critères, cumulatifs, est difficile, il est possible de s’appuyer sur toute une panoplie d’indices, que la jurisprudence vient régulièrement préciser ou rappeler. Là-dessus, la FNCCR a rédigé dans une précédente lettre d’actualités, un article dans lequel sont justement rappelés certains de ces indices[3]. De nombreux arrêts ont également été listés dans l’étude relative à l’articulation entre l’exercice de la compétence GEMAPI et les obligations des propriétaires riverains de cours d’eau (voir l’article ci-dessous).

Deux arrêts rendus en date du 16 mars dernier sont venus enrichir la jurisprudence existante.

Le premier, rendu par le TA de Dijon (n° 2101525), rappelle que l’inscription d’un écoulement en tant que cours d’eau sur une carte (en l’espèce une carte départementale) peut être un indice bien utile pour déterminer l’existence d’un lit naturel à l’origine. Toutefois, il rappelle également que la mention de l’écoulement sur une carte n’a aucune importance dès lors qu’il est établi que les critères définis à l’article L.215-7-1 du code de l’environnement ne sont pas satisfaits.

Le second arrêt, rendu par la CAA de Versailles (n°22VE00996), donne une illustration de l’appréciation concrète des faits à laquelle se livre le juge administratif pour déterminer si un écoulement satisfait ou non aux critères législatifs.

En l’espèce, le juge administratif a estimé que l’existence d’une source était établie à partir du moment où l’on a pu constater, au regard des résultats des « analyses physico-chimiques de l’eau [réalisées] à l’endroit des points d’observation constatant la température le pH, la conductivité ainsi que la dureté de l’eau de l’écoulement, que [l’eau] ne peut pas provenir de la pluie mais d’une exsurgence des eaux infiltrées dans le sol et le sous-sol, c’est-à-dire d’une source ».

Pour déterminer l’existence d’un lit naturel à l’origine, le juge administratif relève que, « malgré une absence d’identification précise en amont, l’écoulement […] apparait sur la carte de Cassini et une carte d’état-major. En outre, l’analyse du modèle numérique de terrain, révèle que cet écoulement est situé au fond d’un talweg, alimentée par cinq écoulements, ce qui démontre l’existence d’un lit naturel à l’origine ».

Enfin, pour déterminer si le débit de l’écoulement durant la majeure partie de l’année est suffisant pour satisfaire au dernier critère fixé par la loi, le juge administratif prend soin de relever que, « contrairement aux visites de terrain réalisées par le bureau d’étude mandaté par les requérants, qui se sont déroulées lors de périodes particulièrement pluvieuses, les agents de la direction départementale des territoires du Loiret et du service départemental du Loiret de l’Office Français de la Biodiversité ont réalisé leur visite en mars, à une période où la pluviométrie était globalement déficitaire sur le secteur en cause, ce qui a permis d’éviter qu’un apport d’eau météorique conséquent influe sur le débit de l’écoulement expertisé et sur les paramètres physico-chimiques de l’eau relevés ». Dans le cas présent, le juge administratif tient compte d’un indice déjà employé à diverses reprises dans de précédents arrêts : l’existence d’une faune et d’une flore caractéristique des milieux aquatiques. Ainsi, le dernier critère est satisfait puisque le juge relève que le rapport des services départementaux du Loiret et de l’OFB « mentionne la présence régulière à l’endroit des points d’observation d’une flore et d’une faune inféodées aux milieux aquatiques, ce qui démontre la présence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année ».

En conséquence, l’écoulement « doit être considéré comme constituant un cours d ‘eau ».

[1] L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

[2] C. envir., art. L.215-7-1

[3] « Caractérisation d’un cours d’eau : le cas d’espèce d’une rivière transformée en émissaire », Lettre d’actualités n°69 de janvier 2023

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