Lorsqu’un cours d’eau est busé, en cas de doute sur la personne responsable de la buse, il convient de s’interroger sur le caractère public ou privé de l’ouvrage (en identifiant la personne par laquelle l’ouvrage a été réalisé et entretenu) et, si l’ouvrage est public, de s’interroger sur sa fonctionnalité. En effet, la buse devrait logiquement être affectée à la personne publique qui exerce la compétence correspondant à la finalité de l’ouvrage (exemple : la commune au titre de la voirie, si la buse permet le franchissement du cours d’eau par une voie communale).
Il est vrai qu’un ru, bien que busé, ne perd pas son statut de cours d’eau, puisqu’il continue de satisfaire les critères identifiés par le législateur ; ainsi, « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales »[1]. Toutefois, un cours d’eau, à proprement parler, n’est pas un ouvrage et, à cet égard, « les collectivités territoriales ou leurs groupements n’ont l’obligation d’assurer la protection des propriétés voisines des cours d’eau non domaniaux contre l’action naturelle des eaux »[2].
Rappelons néanmoins que, si la compétence GEMAPI équivaut avant tout à une habilitation à intervenir, entre autres, sur les cours d’eau afin d’y réaliser des études, travaux et aménagements divers, il n’en demeure pas moins que le groupement de collectivités qui l’exerce est responsable vis-à-vis des tiers :
- Des ouvrages affectés à cette compétence (sans être exhaustif, on citera comme exemple les digues, enrochements, remblai et certaines buses), même lorsqu’ils ont été réalisés avant transfert par les communes[3];
- Ainsi que des dommages permanents ou accidentels que pourraient générer ou aggraver des travaux publics d’entretien ou d’aménagement d’un cours d’eau réalisés sous sa maîtrise d’ouvrage.
En effet, la jurisprudence administrative a établi l’existence d’un régime de responsabilité, y compris sans faute, lié à l’existence ou au fonctionnement d’un ouvrage public[4], ou aux dommages provoqués par des travaux publics. Néanmoins, en cas de contentieux, le requérant doit démontrer avoir subi un préjudice grave et spécial en raison des dommages provoqués ou aggravés par l’ouvrage ou les travaux publics[5], sauf si les dommages subis ont un caractère accidentels, dans quel cas la démonstration d’un préjudice grave et spécial n’est pas nécessaire pour démontrer la responsabilité du maître d’ouvrage public.
Partant, on ne saurait rechercher la responsabilité du groupement de collectivités compétent en matière de GEMAPI en raison de dommages provoqués par le seul débordement d’un cours d’eau, sauf si l’origine de ce débordement trouve son origine dans des ouvrages publics ou des travaux publics réalisés au titre de cette compétence.
S’agissant justement des responsabilités attachées à un cours d’eau busé, le TA de Lyon (n°2108079) a récemment rappelé que ce n’est pas la responsabilité du groupement de collectivités compétent en matière de GEMAPI qui doit être recherchée en cas de dommages provoqués ou aggravés par un cours d’eau busé, mais bien celle de la personne publique ou privée qui a le statut de maître d’ouvrage de la buse (y compris, dans le cas d’une personne publique, lorsqu’elle n’a pas commis de faute si tant est que les victimes démontrent l’existence d’un préjudice grave et spécial).
En l’espèce, « si la communauté de communes […] exerce la compétence relative à la [GEMAPI] et était ainsi en charge de l’entretien du [cours d’eau], il résulte de l’instruction que la couverture et le busage du [cours d’eau] ont été réalisés par la commune pour les besoins de la construction d’une aire de stationnement et non en vue de la prévention des inondations ou de la gestion du cours d’eau relevant de la compétence de la communauté de communes ».
En l’espèce, la faute de la victime, motif exonératoire de la responsabilité d’un maître d’ouvrage public, a été invoquée au motif que le requérant, en tant que propriétaire riverain du cours d’eau non-domanial, n’aurait pas accompli correctement son obligation d’entretien régulier[6]. Ce motif a été écarté, le juge estimant que les photographies fournies ne permettent pas d’établir que les « berges situées au niveau de la propriété [du requérant] auraient été excessivement enherbées ou arborées». Par conséquent, la commune, en sa qualité de maître d’ouvrage de la buse, a été condamnée à réparer les préjudices des requérants.
In fine, dans un tel cas de figure, ce n’est pas tant le statut de cours d’eau d’une rivière ou d’un ru busé qui importe, mais plutôt le fait que la buse constitue un ouvrage et qu’en tant que tel, elle est sous la responsabilité d’un maître d’ouvrage normalement bien identifié. Or, sauf si l’ouvrage a été affecté à la GEMAPI (c’est le cas si la buse vise à prévenir les inondations) ou s’il existe une convention de gestion confiant la maîtrise d’ouvrage de ces équipements au groupement de collectivités compétent en matière de GEMAPI, il est certain que la plupart des buses ne relèvent pas du patrimoine affecté à cette compétence.
[2] CE, 5ème-6ème ch., 22 juill. 2020, n°425969
[3] Rappelons que les ouvrages intégrés dans un système d’endiguement autorisé bénéficient d’un régime spécial : « la responsabilité d’un gestionnaire d’ouvrages ne peut être engagée à raison des dommages que ces ouvrages n’ont pas permis de prévenir dès lors que les obligations légales et réglementaires applicables à leur conception, leur exploitation et leur entretien ont été respectées » (C. envir., art. L.562-8-1).
[4] CE, 3ème-5ème SSR, 9 juillet 1975, n°93696 ; CAA Lyon, 6ème ch., 2 juill. 2020, n°17LY04251 ; CAA Lyon, 2ème ch., 17 juill. 2000, n°99BX01021 ; CAA Bordeaux, 2ème ch., 8 avril 2008, n°06BX01292
[5] CAA Lyon, 6ème ch., 21 juin 2021, n°19LY03057 ; CAA Lyon, 6ème ch., 6 déc. 2018, n°16LY03276 ; CAA Douai, 2ème ch., 7 mars 2006, n°04DA00247