Responsabilité pénale et exercice de la compétence Gemapi
La responsabilité pénale des collectivités ne peut être engagée que pour « des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public » (article 121-2 du code pénal). En conséquence, l’exercice de la compétence Gemapi n’étant pas a priori une activité délégable, l’analyse dominante était que la responsabilité pénale de la personne publique compétente en matière de Gemapi ne pouvait pas être retenue (responsabilité de la collectivité en tant que telle, à distinguer de la responsabilité pénale de l’élu en cas de carence dans l’exercice de ses fonctions, dont notamment le pouvoir de police du maire).
Or un arrêt de la Cour de cassation vient nous affirmer le contraire. En l’espèce, un syndicat mixte est gestionnaire d’une digue, dont l’accès est interdit à tous les véhicules à moteurs, mais cette interdiction, non matérialisée, n’était pas respectée sans que cela n’entraine une réaction du syndicat. Un jeune homme, circulant en motocross, a été victime d’un accident mortel, fauché parune barrière (constituée d’un câble tendu) qu’il n’avait pas vue. Considérant que la négligence du syndicat était avérée, la Cour de cassation valide sa condamnation pour homicide involontaire en considérant que « l’infraction a été commise par un groupement de collectivités territoriales dans l’exercice, conformément à son objet statutaire, des activités d’entretien et de surveillance des digues fluviales et de leurs dépendances, susceptibles de faire l’objet d’une convention de délégation de service public au sens de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal ».
Cette décision est relative à un accident de circulation (et non à une défaillance de la digue), mais l’affirmation selon laquelle les activités d’entretien et de surveillance des digues fluviales sont susceptibles de faire l’objet d’une DSP pourrait avoir des conséquences plus larges. Ainsi, la responsabilité pénale d’une collectivité gestionnaire d’une digue (au sens du décret n°2015-526) pourrait également être reconnue en cas d’inondation ou de rupture liée à un manquement dans l’exercice de ces missions d’entretien ou de surveillance.
Le caractère délégable des activités dont relève l’exercice de la compétence Gemapi apparaissait pour le moins incertain au regard de la jurisprudence administrative, mais la mise en jeu de la responsabilité pénale relève du juge judiciaire (et donc, en dernière instance, de la Cour de cassation), qui n’a généralement pas à se prononcer sur ces questions sauf justement, à l’occasion d’une mise en cause pénale. Ce jugement en donne désormais sa lecture, quand bien même le juge administratif, compétent pour se prononcer sur la qualification d’un contrat de concession ou de marché public, n’aurait pas nécessairement retenu le caractère délégable de cette activité.
Par ailleurs, la cour de cassation s’est déclarée incompétente pour statuer sur la responsabilité administrative pour faute du syndicat, c’est-à-dire sur l’indemnisation du préjudice des victimes ; ce sera au juge administratif de se prononcer sur ce point.
Responsabilités civile et pénale de l’ancien maire de la Faute-sur-Mer suite à la tempête Xynthia
Un arrêt de la cour d’appel de Poitiers retient la responsabilité pénale de l’ancien maire de la Faute-sur-Mer pour les décès intervenus dans sa commune lors de la tempête Xynthia en 2010.
Dans un premier temps, le juge écarte la force majeure, en retenant que le territoire de la commune avait déjà connu des épisodes de submersion marine, qu’un plan de prévention des risques d’inondation avait été prescrit justement pour répondre à ce risque, et que les conditions météorologiques ainsi que le coefficient de marée étaient connus.
Dans un second temps, le juge recherche si le maire a accompli ou non « les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. » (article L2123-34 du CGCT) : il se livre pour cela à une analyse concrète des négligences et imprudences du maire et des moyens qu’il avait à sa disposition.
Dans un troisième temps, le juge écarte la mise en cause de la responsabilité civile du maire, en dissociant responsabilité pénale (qui est établie) et faute personnelle : « Le fait qu’il s’agit de fautes graves, qualifiées au plan pénal, n’implique pas nécessairement et de ce seul fait qu’elles sont personnelles et détachables du service », et en retenant l’absence de faute intentionnelle et d’intérêt personnel.