Responsabilités liés à l’absence ou au dysfonctionnement d’un PEI

Il est de jurisprudence constante que le dysfonctionnement d’un point d’eau incendie (PEI) public, lorsqu’il a pour conséquence de retarder l’intervention du SDIS durant un incendie et que ce retard est lui-même à l’origine d’un préjudice, est susceptible d’engager la responsabilité civile de la commune ou du groupement de collectivités territoriales en charge de la mise en œuvre de ce service public[1].

La cour administrative d’appel de Bordeaux a retenu la responsabilité d’une commune landaise pour ce motif, une des causes du retard pris par le SDIS étant liée au fait que la commune avait omis de procéder à la réception d’une piscine réalisée dans le cadre d’un arrêt de lotir. En l’occurrence, le non-accomplissement de cette formalité a empêché le SDIS de répertorier la piscine parmi les points d’eau mobilisables, ce qui, au moment de l’incendie, a retardé la mise en œuvre d’une mise en aspiration sur ce point d’eau.

En omettant « de procéder à la réception de la piscine du lotissement, laquelle figurait pourtant au rang des prescriptions de l’arrêté de lotir », la commune a donc commis une faute. « Cette omission fautive, qui a fait obstacle à ce que le SDIS […] répertorie cette réserve d’eau artificielle et a entrainé […] un retard dans la mise en œuvre de la mise en aspiration de ce point d’eau après le constat de la défaillance du poteau incendie […], engage également la responsabilité de la commune ». En l’occurrence, la maison des requérants « était entièrement embrasée au moment de la mise en aspiration de la piscine ». En l’absence de faute des victimes ou du SDIS au moment de son intervention, la cour administrative d’appel a estimé que « le tribunal a […] considéré à juste titre que la responsabilité de la commune […] était entièrement engagée à raison de ce sinistre ».

L’utilisation de la piscine était rendue nécessaire en raison du fait que le poteau incendie « installé à proximité immédiate du lieu du sinistre n’était pas en état correct de fonctionnement, la pression et le débit d’eau étant insuffisants pour l’exercice des missions de lutte contre l’incendie ». En conséquence, « la responsabilité de la commune, seule compétente pour assurer l’entretien et le contrôle technique des points d’eau incendie implantés sur son territoire, est donc engagée à raison du retard ainsi créé, au cours duquel le feu s’est propagé et généralisé à la maison [des requérants] ».

Remarquons néanmoins que ce cas d’espèce est difficilement transposable au cadre règlementaire actuel. En effet, le sinistre est survenu en novembre 2015. A cette date, si les dispositions légales et règlementaires du code général des collectivités territoriales encadrant la défense extérieure contre l’incendie étaient entrées en vigueur, ce n’était le cas ni du référentiel national de DECI (qui est issu de l’arrêté du 15 décembre 2015), ni du règlement départemental de DECI du département où est survenu le sinistre. Or, les règlements départementaux de DECI tendent à exclure les piscines de la liste des points d’eau normalisés, ce qui n’exclue pas leur éventuelle utilisation par les pompiers lorsque survient un incendie et qu’aucun point d’eau incendie normalisé n’est disponible à proximité. Sur ce point comme le rappelle le référentiel national de DECI, la défense extérieure contre l’incendie est une « organisation prévisionnelle ».

On peut également se demander quelle aurait été la responsabilité de la commune, du fait de l’omission de réception du PEI dans le cadre du permis d’aménager, dans l’éventualité où la compétence et/ou le pouvoir de police spéciale auraient été transférés au niveau d’un groupement de collectivités territoriales.

Cela étant, la compétence DECI (de même que la police spéciale) demeure pour l’essentiel exercée à l’échelle communale. Lorsque c’est le cas, il semble bien que l’absence de réception d’un point d’eau incendie normalisé, prescrit dans le cadre d’une autorisation d’urbanisme, puisse être constitutif d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune, si tant est que cela est une des causes du retard d’intervention du SDIS au moment d’un sinistre.

[1] CAA Bordeaux, 1er mars 2016, n°14BX02649 ; CAA Bordeaux, 10 décembre 2009, n°08BX03210 ; CAA Nantes, 29 septembre 2009, n°08NT03245

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