Stratégie Ecophyto 2030

À cette fin, le présent article expose les principaux éléments que nous avons retenus dans le projet de stratégie soumis à concertation (voir le document) et vous étiez invité à formuler vos propres avis, demandes et propositions dans  ce formulaire au plus tard le 30 novembre 2023.

Cette consultation est désormais clôturée. Retrouvez l’avis de la FNCCR sur cet autre article.

Cette nouvelle stratégie fixe l’objectif de réduire de 50% l’usage de produits phytopharmaceutiques d’ici 2030 par rapport à la période 2015-2017, étant précisé que cette période représente le pic des ventes de produits phytopharmaceutiques et que celles de 2021-2022 sont déjà 20% plus basses. L’indicateur utilisé pour évaluer l’atteinte des objectifs du plan Ecophyto est le NODU (Nombre de doses unités). Calculé à partir des données de vente des distributeurs de produits phytopharmaceutiques, le NODU correspond à la surface qui serait traitée annuellement aux doses maximales homologuées. Pour atteindre cet objectif, la stratégie a été révisé et 5 axes de travail sont proposés :

1/ Accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées (par le portage de mesures au niveau de l’union européenne)

Il est notamment proposé de renforcer les cadres européens d’évaluation des risques et des autorisations de mise sur le marché par le portage par la France de plusieurs propositions, en particulier la révision du guide d’évaluation des risques pour les abeilles sauvages, des méthodes d’évaluation des produits de biocontrôle, ajouter des mesures sur la réciprocité des normes pour une plus grande cohérence des cadres d’évaluation des produits chimiques et une harmonisation des critères de sélection. Ainsi, l’objectif est de rendre le processus d’expertise plus transparent et objectivable.

Il est également proposé de généraliser l’utilisation de l’analyse comparative lorsqu’une substance active préoccupante peut être remplacée par une alternative chimique ou non chimique plus sûre pour la santé ou l’environnement.

Le gouvernement s’engage à porter ces propositions au niveau de l’Union européenne, mais pas à les mettre en œuvre à la seule échelle nationale.

2/ Accélérer le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques

Cet axe détaille des mesures plus concrètes, telles que l’accompagnement des agriculteurs par :

  • la poursuite du développement des collectifs et des réseaux de référence en termes de pratiques économes en intrants (notamment le réseau des fermes DEPHY, dont le financement sera conditionné à des objectifs de résultats en termes de diffusion des solutions démontrées)
  • des aides à l’investissement dans du matériel,
  • le renforcement du soutien au développement de filières à bas niveau d’intrants dont l’agriculture biologique
  • la mobilisation de l’ensemble de la chaîne de valeur, notamment l’information / sensibilisation des consommateurs et la mise en place d’un mécanisme de couverture des risques
  • la révision du dispositif de conseil pour un conseil indépendant à l’accompagnement du changement de pratiques
  • le renforcement du dispositif des certification d’économie de produits phytopharmaceutiques, par la réintroduction d’un régime de pénalités financières en cas de non présentation des certificats par les distributeurs de produits.
  • la poursuite et modernisation de la surveillance biologique du territoire

Il est précisé qu’à partir de janvier 2026, le renseignement par les exploitants d’un registre sur les produits phytopharmaceutiques utilisés au format électronique est obligatoire. Cela devrait permettre de réaliser des études plus précises concernant la relation entre l’usage des produits phytopharmaceutiques et la pollution des milieux.

Dans le cadre de l’évaluation à mi-parcours du Plan stratégique national pour la PAC, il est également proposé de faire, dès 2024, un bilan sur la dynamique de progression de l’agriculture biologique (AB), de développement des infrastructures agroécologiques et de contractualisation des MAEC. Cela permettra de proposer la révision des cahiers de charges des MAEC ou la création de nouvelles MAEC.

3/ Mieux connaitre et réduire les risques pour la santé et l’environnement de l’usage des phytopharmaceutiques

Le déploiement de systèmes de surveillance de l’impact des produits phytopharmaceutiques sur les milieux, des mesures du plan eau et un renforcement de la protection des aires d’alimentation de captages ont été cités.

Sur les aires d’alimentation de captages, il est prévu :

  • Que le préfet prenne des mesures de gestion pour juguler le risque lorsqu’un dépassement des exigences de qualité par un pesticide toujours utilisé est constaté
  • De définir les points de prélèvements sensibles, correspondant à l’atteinte du seuil de 80% des limites de qualité (eau potable) dans les eaux brutes. Pour ces points de prélèvements, le plan d’actions devra inclure des propositions de mesures pouvant être rendues obligatoires par le préfet, selon le dispositif de zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE). Sur les zones les plus vulnérables « des mesures de restriction de l’usage des produits en cause sauf impasse technique justifiée seront mises en œuvre par le préfet ». « Ces mesures seront accompagnées financièrement en mobilisant des crédits supplémentaires [supposé : en supplément de la PAC et du plan Ecophyto] sur les captages concernés MAEC, conversion à l’AB, paiements pour services environnementaux (PSE), etc. »
  • Que la personne publique ou privée responsable de la production ou de la distribution de l’eau (PRPDE) doit réaliser un plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau (PGSSE) pour le 12 juillet 2027 au plus tard.

Ces éléments doivent faire l’objet d’un guide à publier en 2024.

Il est également question de maintenir les actions en faveur de la protection des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques, d’ajouter un dispositif de signalement par les riverains de l’exposition à des produits phytopharmaceutiques, de préciser l’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les zones à enjeux biodiversité, notamment Natura 2000.

4/ Recherche, innovation et formation

Un des objectifs est de produire de nouvelles connaissances et les rendre opérationnelles, notamment sur les bioagresseurs et les stratégies de protection reposant sur des solutions non-chimiques et sur la compréhension des relations entre expositions et impacts de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et les écosystèmes. La conception d’outils pour permettre l’accompagnement des changements de pratiques est identifiée comme un enjeu majeur de la stratégie. Le soutien à la formation initiale avec la mobilisation de l’enseignement agricole, et continue avec une adaptation des formations Certiphyto sera renforcé.

5/ Territorialisation, gouvernance et évaluation

Il est prévu de renforcer la gouvernance nationale, de suivre une méthode de suivi-évaluation de la trajectoire de réduction de 50% des usages et des risques, de doter les territoires de moyens ad-hoc et de renforcer leur gouvernance par l’élaboration de plans d’actions territoriaux. Les financements annuels seront également mis en transparence.

Pour l’élaboration de plan d’actions territoriaux, il sera notamment proposé aux régions volontaires de procéder à un diagnostic territorial plus approfondi pour identifier les territoires prioritaires et mettre en place des plans d’actions avec des objectifs précis et limité et des moyens associés. Ce travail, mené par les préfets de région, devra notamment associer les collectivités en charge de l’eau et de la compétence GEMAPI.

Financements

Concernant le financement annuel de ce plan ECOPHYTO, il est prévu de maintenir l’enveloppe annuelle de 71 millions d’euros issue de la redevance pour pollution diffuse (une enveloppe régionale de 30 millions d’euros issue du budget des agences de l’eau et une enveloppe nationale de 41 millions d’euros issue du budget de l’OFB), d’y ajouter une enveloppe de 250 millions d’euros inscrite au budget du ministère de l’agriculture au titre de la planification écologique. Une enveloppe non précisée de France 2030 sera également consacrée à l’atteinte des objectifs ECOPHYTO.

 

Première analyse rapide de la FNCCR

Il faut rappeler que les plans de réduction des usages et des effets des produits phytopharmaceutiques, dits Plans Écophyto, ont été conçus à la suite du Grenelle de l’environnement de 2008 en France. Dans son rapport concernant le bilan des plans Ecophyto, transmis au premier ministre en novembre 2019 et rendu public en 2020, la cour des comptes a constaté que dix ans après la mise en place de plan Ecophyto successifs, les objectifs fixés ne sont toujours pas atteints, en dépit de la mobilisation de fonds publics importants. Dans le premier plan Ecophyto, l’objectif de réduction de 50% de l’usage de produits phytopharmaceutiques en dix ans était déjà fixé sur la base des données de la période 2009-2011 (moyenne triennale qui permet de lisser un peu le NODU qui peut varier fortement en fonction des conditions météorologiques) le NODU (total – usages agricoles et non agricoles) était à 90 millions de doses unités contre plus de 100 millions en 2017-2019, après avoir atteint un pic à plus de 110 millions sur la période 2016-2018. Le rapport de la cour des comptes attire notamment l’attention sur des résultats qui demeurent très en deçà des objectifs fixés malgré des reports successifs : « Ainsi, l’objectif initial de diminution du recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, reporté en 2016 à l’échéance 2025 et confirmé en avril 2019, assorti d’un objectif intermédiaire de – 25 % en 2020, est loin d’être atteint : l’utilisation des produits mesurée par l’indicateur NODU  a, au contraire, progressé de 12 % entre 2009 et 2016, ce qui reflète la lente évolution du modèle agricole national ». Si on s’attarde sur le NODU uniquement agricole, celui-ci a augmenté de près de 25% sur la même période car le NODU non agricole a baissé significativement pendant la même période. Dans ce nouveau plan Ecophyto, il est question de faire partir l’objectif de -50% à partir des données de 2015-2017 qui était déjà à 105 millions de doses unités.

Un autre rapport établi par le CGAAER, le CGEDD et l’IGF en mars 2021 (et publié seulement un an plus tard) sur l’évaluation des actions financières du programme Ecophyto préconisait entre autres :

  • D’avoir une stratégie explicite de massification des pratiques économes en mobilisant la conditionnalité de la PAC, et viser une plus grande convergence entre la PAC et le plan Ecophyto de réduction de l’usage des pesticides. Cela n’est pas abordé dans la stratégie Ecophyto 2030 et aucun fond de la PAC n’est ciblé pour le financement de la stratégie proposée pour 2030.
  • D’aligner les autres politiques sur la sortie des pesticides : installation, foncier, projets alimentaires territoriaux. La maitrise du foncier est en effet un bon moyen (parmi d’autres) de réorienter les modèles agricoles d’un territoire mais le portage de dossiers d’installation par des collectivités, en particulier sur les aires d’alimentation de captages, reste un parcours du combattant et de nombreux dossiers échouent face à des demandes d’installation en conventionnel (parfois même en monoculture de maïs), même en périmètre de protection rapprochée.
  • De renforcer la redevance pour pollutions diffuses. Selon le rapport “Une redevance pour pollutions diffuses fixée au même niveau que la taxation des produits pétroliers – soit 60% du prix final des produits pétroliers – rapporterait près de 1.3Md€”. L’augmentation très raisonnable de la redevance pour pollutions diffuses en 2019 a notamment permis une très forte baisse du NODU en 2019 (après une forte augmentation en fin d’année 2018 liée aux annonces) suivi d’une augmentation modérée en 2020. En réalité en s’attardant sur son évolution depuis 2009, il s’agit d’un retour au même niveau que sur la période 2009-2011.
    L’augmentation de la redevance pollution diffuse est une demande de la FNCCR depuis plusieurs années à la fois pour une meilleure application du principe pollueur-payeur (et notamment financer la potabilisation de l’eau vis à vis des pesticides) et un rééquilibrage des contributions des différents usagers au financement des agences de l’eau. Le PLF a engagé une petite correction avec une augmentation moyenne des tarifs des redevances d’environ 10%.
  • De rémunérer les agriculteurs pour les efforts et prises de risque permettant des réductions effectives de pesticides, notamment via la Politique agricole commune.
  • D’assumer le déploiement de l’agriculture biologique dont les bénéfices pour l’environnement et la santé sont nombreux et un accès à l’alimentation biologique à tous. Malheureusement, à la suite du retrait de l’aide au maintien, alors même que l’inflation a provoquée une crise très importante sur l’agriculture biologique, ce modèle risque de ne plus se développer voire débuter une régression de la SAU en agriculture biologique si de nouveaux soutiens financiers ne sont pas décidés rapidement.
  • De renforcer les contrôles des agriculteurs et les pénalités des pratiques agricoles en matière de pesticides.
  • De durcir les obligations en matière de pesticides dans les labels : label rouge, AOP, IGP, HVE. Le label HVE notamment, prôné par le gouvernement n’est pas suffisamment prescriptif pour les zones à enjeux telles que les aires d’alimentation de captages.

Concernant les financements, les quelques centaines de millions d’euros prévus par an, portés en partie par les agence de l’eau, sont insuffisant comparé au budget de 9 milliard d’euros par an de la Politique agricole commune en France dont l’éco-conditionnalité est également insuffisante pour concourir aux objectifs du plan Ecophyto 2030.

Face à ce constat et anticipant un nouvel échec du plan Ecophyto à atteindre des objectifs initialement fixé en 2009 pour 2016, avec un glissement des données prises en compte pour évaluer le plan (d’un objectif de -50% sur un NODU de 90 millions de doses unités, nous passons à un objectif de -50% sur un NODU de 105 millions de doses unités) nous vous proposons de rendre un avis négatif assorti de demandes de mesures ambitieuses.

Pour aller plus loin :

Téléchargez le rapport de la Cour des comptes de 2019

Téléchargez le rapport CGAAER/CGEDD/IGF de 2021

Revenir en haut de page